Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/288

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— Les sacs, les valises, les malles sont en haut dans un cabinet noir, près de ma chambre ; il faut passer par chez moi pour y entrer. Quant aux robes et au reste, l’armoire est fermée à clef et je ne sais pas où sont les clefs, mais Madame les porte toujours sur elle.

Entragues reprit :

— Elle est rentrée, vous en êtes sûre ?

— Elle est rentrée. Hier, après le départ de Madame, j’ai mis tout en ordre, j’ai même retapé le lit où elle s’était jetée un instant après dîner. C’est l’usage de Madame quand elle va au bal. Et ce matin le lit était foulé, foulé. Madame n’est pourtant pas lourde, et à l’ordinaire, quand elle se lève, c’est à peine si on voit la place de son corps.

— Eh bien, fit Entragues, en donnant à la bonne son adresse et quelque rémunération, si vous apprenez quelque chose, venez me le dire. Je suis aussi inquiet que vous, Azélia. Venez de toute façon, demain matin, j’aurai peut-être des nouvelles.

Il sortit. Dans la rue, son calme se troubla.

« Je suis joué, criait-il, indignement joué ! »

Il ouvrit si violemment son parapluie que la soie craqua de partout ; alors il le brisa sur le rebord du trottoir, le jeta dans le ruisseau, et sous l’épaisse et glaciale brume, gagna l’extrémité du boulevard Saint-Germain, près du quai Saint-Bernard.

Là, dans un impasse, entre des baraquements, s’érigeait une petite maison meublée, peuplée d’étudiants russes et dénommée Hôtel de Moscou.

— M. Moscowitch.