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LES ADVIS.

L’abbord d’vn Dieu fi grand elle conteſte en vain[1],
La preſſant de plus pres il force ſon deſſein :
Et d’vn frein plus ferré contrainct fa fiere bouche,
Pour rompre les eflants de fa fuitte farouche.
Deſia l’Antre infpité les cent bouches ouuroit,
Et cette voix par l’air aux oreilles offroit : it
O toy, qui trauerfant les Mers) & la tempefte
Des plus aſpres dangers as affranchy ta teſte
Et qui d’autres plus grands en Terre fouftiendras,
Au Sceptre d’Italie en fin tu paruiendras,
(N’en fois plus en foucy :) mais reçoy ce prefage
Que tu regetteras d’auoir veu ſon riuage.
Guerre, guerre & terreur ! ie voy le fang fumant
Teindre les flots du Tybre à bouillons eſcumant.
Vn Simois fatal, vn bord ſanglant de Xante,
Vn autre Camp des Grecs en ces lieux ſe prefante.
Vn autre fort Achille aux meurtres forcené,
Fils aufli de Deefle en l’Hefperie eſt né.
Iunon s’y trouue encore aux Troyens aduerfaire.
Quels foins ne te poindront accablé de mifere ?
Quels Peuples ou Citez n’iras-tu requerir,
Qui puiſſent au befointes peines ſecourir ?
Derechef yne hofteffe aux Troyens deſtinée,
Rendra comme autrefois leur Gentinfortunée ::
Par vn lit eſtranger engendrant tous ces maux.
Arme toy d’vn cœur braue & t’expoſe aux trauaux,
Pour combattre l’effort d’yne telle influence.
Vne Ville des Grecs trompant toute créance,.
Premiere aura pitié de ton fort inhumain,
Er d’vn heureux Salut te preftera la main.
Du profond Sanctuaire exprimant ces ambages

  1. On peut dire pertinemment qu’elle reſiſte à l’abord de ce Dieu apres l’auoir appellé : combattuë de deux paſſions contraires, le deſir de l’Oracle & la fuyte de la ſouffrance, à l’inſinuation d’vne Deité dans le trop inegal logis d’vn corps humain.