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LIVRE SECOND.

Addreffas au talon du Pelide inhumain :
Soubs ton alme faueur fuiuant mes longues erres,
l’ay percé tant de Mers ceignans les grandes Terres :
Des noirs Maffyliens aux fins de l’Vniuers,
I’ay franchy les ſablons, i’ay les détroits quuerts :
Et fous ta guy de en fin la fuyante Hefperie
Nous reçoit fauorable en fa riue cherie.
Que le Sort des Troyens à leurs cris endurcy.
Sans paſſer plus auantait regné iufqu’icy…
Vous aufli Deitez, dont l’ire mit en proye
La gloire de Dardan & la Grandeur de Troye,
Aux larmes des vaincus detrempez vos courroux :
Toy, faincte Vierge, apres, de grace aſſiſte nous.
Daigne moy confirmer parta voix prophetique,
La promeſſe des Dieux pour le Sceptre Italique.
Donne cette retraicte aux Troyens defertez,
Loge leurs Dieux errans des Mers trop agitez…
Lors Hecate & Phoebus i’honnoreray d’vn Temple,
Où la richeſſe & l’art luyront d’vn rare exemple :
Conftruits de marbres blancs au roch de Pare cflus :
Et fonderay des ieux au beau nom de Phoebus.
Attends auſſi de moy, venerable Preftreffe,
Legrand Temple & l’Autel ainſi qu’vne Decffe.
Tes Preftresi’efliray de qui les foins diſcrets
Detes oracles Saincts garderont les ſecrets.
Ils diront le Deftin des ſucceſſeurs de Troye,
Pourueu queta faueurauiourd’huy nous octroye,
Que dedans le feuillage ils ne ſoient point efçris :
De peur que fi par fois du vent il eſt ſurpris
Ainfi qu’vn vain iouët par l’air il ne s’enuole.
Chante les doncicy : lors il rompt fa parolle.
La Vierge für ce point d’vn geſte furibond,
Se debat éperdue en ſon Antre profond :
Dutranfport d’Apollon non encore vaincuë,
L’eſprit ardent l’agite & la frayeur ayguë.