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LES ADVIS.

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GILES A DIVISI
Sur le mafque pipeur de leur friuole image
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Le chemin qui conduict au fleuve de là-bas,
En ce lieu de terreur ouure le premier pas.
Vn gouffre bouillonnant au trouble fein de l’onde,
Vomit du vafte creux d’vne gueulle profonde,
Vn infame bourbier qui fortant d’Acheron
Engendrele Cocire éparts à l’enuiron.⠀
Caron Naucher affreux, rouillé d’vne orde craffe,
Du paffage & des flots l’vnique foin embraffe,
Le poil gris de fa barbe inculte & mal dreffé,
Pend à longs efcheueaux du menton heriffé :
Son regard fans filler luit d’vne flamme obfcure,
Vnfale habit defcend de fon efpaule dure,
Rattaché d’vn nœud double, & dans le fil de l’eau.
L’auiron il agitte & conduit fon batteau.
De voiles il pouruoit cette hy deufe barque,
Pour paffer le butin de la fatale Parque..
A l’œilil paroift vieux, mais la vigueur du Dieu
Verte & brufque aux effects de ieuneffe tient lieu.
.C
Icy le Genre-humain de toutes parts arriue,
A la foule accourant eſpandu fur la riue :
Hommes, femmes, enfans, magnanimes Heros,
Dans le cours de leur gloire aux fepulchres enclos :
Les Vierges en leur fleur, la virille ieuneffe,
Qui laiffe pere & mere accablez de trifteffe. A
Ainfiquand le Soleil efcarte fes beaux rais,
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V
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Au premier froid d’Autone on void dans les forefts,
Tomberà milions les fueilles efgarées :
Ainfi void on encor, fur les Mers afurées,
Voler à grands fcadrons les oyfeaux paffagers :
Lors que fuyans le froid des Climats eftrangers,
Ils viennent tous tranfis percer ces longues erres,
Pour humer le doux air que refpirent nos Terres.
Chaqu’vn de ces Efprits flattant le Nautonnier,
Tends les bras fuppliants pour paffer le premier,
Preffez d’vn chaud defir devoir l’autre riuage, D