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LIVRE SECOND.

LIVRE SE CON D.
Le Naucher cependant d’vn front rude & fauuage,
Les prend par cys par là, felon l’heur de leur fort :
Et reiettant le reſte il l’eflongne du bord.
1.
Or le Prince Troyen quice tumulte admire,
Parle ainfi toutefmeu : Vierge, daigne moy dire,
D’où vient ce grand concours aux riues de cefte cau ?
Que cherchent ces Elprits autour de ce batteau ?
Et par quelle raifon de choix ou difference,
Ceux-là quittent le bord pafles de froide tranfe ?
Ces autres, au reuers, fauoris du Naucher,
Vont à coups d’auiron les troubles flots trancher ?
Ainfirefpond en brefla Sibylle Preftreffe,
O Prince fils d’Anchife, &vray fang de Deeffe,
Voicy le Lac profond du fameux Acheron,
Que le Palus de Stix encloft èn fon giron :
Deitez du Bas-Monde, aux Dieux fi venerables,
Qu’ils ne pariurent point leurs noms inuiolables.
Ceux que tu vois icy chaffez loin du vaiffeau,
Sont les pauures chetifs denuez de tombeau..
Ce Naucher eſt Caron, ceux qu’il guinde en fa naffe
Au repos du cercueil ont pris heureufe place.
Et n’eſt permis à luy de traietter les morts,
Pour voir de l’autre part la fombre horreur des bordsl
De ce fleuue enroué d’vn turbulent murmure,
Si leur Mânesn’ont eu l’honneur de fepulture.
Ils errent vagabonds par le cours de cent ans,
A l’entour de ces bords triftement voletans :
Puis ils vont aborder ces plages fouhaittées
D’où les Ombres enfin au repos font portées..
A ce mot le Troyen de pied ferme arrefté,
Sur maint penfer profond fon efprit àietté.
Et comme fes regards lentement il promeine,
Sur ces pauures bannis en déplorant leur peine,
Il recognoift entr’eux l’œil morne & le front bass.
Deux amis defnuez des pompes du treſpass
Oronte directeur des Vaiffeaux de Lycie,
R.R.R.Er ij
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