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LES ADVIS.

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LES AD VI S.
Aura d’vn corps nouueau la demeure ordonnée,
Sur les bords de ce fleuue heureuſement s’en vont,
Et dans l’eau chaffe-foin boiuent l’oubly profond.
Or ie te vay décrire & monftrer face à face,
Dans ce Peuple d’Elprits noftre future Race :
Pour donner à ton cœur parce denombrement,
De l’Italie acquife vn plein contentement.
Perc, refpond le Prince, eft-il doncques à croire,
Que perdans de ce lieu l’amour & la memoire,
Les Ames vers nos Cieux s’en daignent reuoler,
Et dans les corps pefans derecheffe couler ?
Quel forcené defir de noftre trifte vie,
Sufcite l’ayguillon d’vne fi folle enuie ?
Ie veux, replique-t’il, te reciter icy
Tous ces fecrets par ordre, & lors il fuit ainfi.
Le four que l’Vniuers ouurit pour fa naiffance,
Vn Elprit animant inftilla fa puiffance,


Aux Elemens, aux Cieux, au Soleil efclairant,
Et dansce Flambeau vierge aux tenebres errant.
Infus dans le profond de la grande Machine,
Il infpire en ce Corps vne vertu diuine :
Et ce rayon de vie en fes membres eſparts.
L’agite & le fubftante actif de toutes parts.


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De ce diuin rayon naquit la race humaine :
Par luy tout animal aux verds champs fe promeine.
Par luy volent en l’Air les troupes des oyleaux,
Et les monftres par luy trenchent le fil des eaux.
Vne vigueurignée, vne celefte effence,
Anime heureufement cette noble femence :
Mais ce beau feu de vie eft fouuent hebetté,
Par le corps de limon où les Dieux l’ont ietté :
Et le pefanelogis de ces membres mourables,
De la pointe rabat les effects admirables.
Delà najft aux humains l’aueugle paffion,
Trifteffe, ioye, effroy, defir, ambition :
Nepouuans des obie&ts voir l’exacte figure,
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