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LIVRE SECOND.

LIVRE
SECOND.
Contraints dans le cachot d’vne prifon obfcure.
Ny mefme au dernier iour accueillis du trépas,
En leur eftre premier ils ne retournent pas :
Les miferes des morts dans le cercueil fe gliffent,
Et des peftes du corps les effects ils patiffent :
Voire il aduient par fois que le vice puiffant,
Par long-temps incarné dans ces lieux va croiffant,
Or mainte peine auffi fur les Mânes s’exerce,
Selon la vieille erreur de leur coulpe diuerfe.
Les vns aux vents legers par l’air font fufpandus,
Les autres foubs les flots largement efpandus.
Sont lauez & purgez des taches de leur vice,
Les autres dans le feu rencontrent leur fuplice.
Car chaqu’vne Ombre en fin doibt patirà fon tour :
Et puis on nous tranfmet en cét ample feiour
Des champs Elyfiens combles d’heur & de ioye,
Mais certes peu d’efleus en ces champs on enuoye.
Là quand maints & maints iours ont parcouru ce rond
Dont les mois & les ans les grands Siecles parfont ;
Lors le vice effacé chez nous perd fa puiffance,
Et l’homme refte libre en fa vierge naiffance :
Animé viuement de l’Eſprit ætheré,
Et du celefte feu pureinent efclairé.
Mais apres que mille ans roulez à courfe ronde,
Ont mefuré le tour du clair Flambeau du Monde :
Ceux-cy prenans congé des douceurs de celicu,
Vont aux borts de Lethé par le decret de Dieu :
Afin qu’vn long oubly dans l’onde ils puiffent boire,
Et que des ans paffez eftouffans la memoire ;
Ils retournent fans foin doüez de nouueaux forts,
Voir la voûte celefte & rentrer dans les corps.
Anchife meine alors la Vierge & fon Ænée
Dans la foule d’Efprits en tumulte eftonnée :
Puis il gaigne auec eux le chef d’vn petit mont,
D’où fes yeux peuuent voir les furuenans en front ;
Pour fuiure d’vn long train le trai & le vifage,
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