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23 adar, peu de jours avant la fête de Pâque, qu’on célébra avec bonheur l’inauguration du sanctuaire, enfin rétabli après tant de luttes et d’efforts. Il y avait juste soixante-dix ans que le temple de Salomon avait été détruit.

Le peuple entier, sans doute, accourut à Jérusalem pour assister à l’inauguration, heureux de contempler le saint édifice qui, désormais, allait de nouveau devenir le centre de la vie israélite. — Trois semaines plus tard, la Pâque était célébrée avec ferveur par la communauté entière, et les étrangers qui s’étaient ralliés de cœur au judaïsme y prenaient pareillement part.

Quelque profondément, toutefois, que le peuple fût alors pénétré de l’esprit de la Torah et des prophètes, et quelque vives que fussent ses aspirations à l’unité, un dissentiment grave ne laissa pas d’y éclater, dissentiment qui enfanta des luttes et dont on ne triompha pas sans peine. Deux Israélites étaient à sa tête : le gouverneur, Zorobabel, de la race royale de David, et le grand prêtre, de la lignée d’Aaron. Ils représentaient respectivement le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, qui ne pouvaient guère manquer d’empiéter l’un sur l’autre. Zorobabel avait bien pour lui le prestige populaire attaché à la maison de David ; il semblait réaliser les souvenirs de l’antique splendeur et les paroles des prophètes qui en avaient prédit le retour. Le prophète Aggée l’avait appelé l’élu du Seigneur, son bien-aimé, son joyau précieux. Mais, par cela même, il devenait un embarras. Les ennemis des Judéens trouvaient là un thème d’accusation contre ce peuple, à qui ils reprochaient la secrète pensée de proclamer roi le fils de David. D’un autre côté, le prophète Zacharie avait annoncé que grand prêtre Jésua ceindrait la couronne, monterait sur le trône et réaliserait les espérances messianiques. Il avait ainsi placé le pontife au-dessus du prince ; de là, froideur et mésintelligence entre les deux chefs du peuple.

La paix ne pouvait se rétablir que par la retraite de l’un des deux rivaux. La coexistence de ces autorités ne pouvait être qu’une source incessante d’irritations et de troubles. Or, du moment qu’il y avait lieu d’opter, ce ne pouvait être qu’au détriment de Zorobabel, le prince étant un personnage moins nécessaire que le prêtre.