Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/181

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évitaient de prononcer une seule parole profane. Aux premières lueurs du jour, ils lisaient la prière du Schema ; ensuite ils se réunissaient, silencieux et recueillis, pour la véritable prière, qui devait être une libre effusion du cœur. Chez les Esséniens, le repas était considéré comme un service divin : pour eux, la table devint un autel et les mets des offrandes sacrées, qui exigeaient un pieux recueillement. Pendant le repas, ils ne prononçaient pas un seul mot profane, et le plus souvent ils y observaient un silence absolu. Ce silence dut faire sur l’esprit des non-affiliés une impression d’autant plus forte que le véritable caractère de cet ordre était inconnu des contemporains et semblait receler quelque redoutable mystère.

Sans doute, ce n’était pas par système préconçu que les Esséniens se mirent à professer une sorte de doctrine secrète : leur vie ascétique, silencieuse, qui offrait tant d’aliments à la contemplation, leur indifférence pour la famille, enfin leur exaltation religieuse devaient les amener à chercher dans le judaïsme d’autres vérités que celles qui se découvrent aux yeux de la froide raison. Le nom de Dieu parait surtout leur avoir fourni matière à des méditations profondes, que la défense de prononcer le saint tétragramme provoquait dans une certaine mesure. En effet, si le nom divin est sacré à ce point, les lettres qui le composent doivent renfermer des mystères. Les Esséniens, à qui la solitude créait des loisirs, se mirent à les approfondir. La vénération que ce saint nom leur inspirait était telle, qu’ils ne voulaient pas prêter un serment dans lequel il aurait fallu l’invoquer. Au lieu d’appuyer leurs affirmations par un serment, ils en attestaient la véracité par un simple oui ou non. La signification du nom des anges était pour eux en rapport intime avec le mystère du nom divin. Ces noms, avec leur signification et leur place dans leur système théosophique, les Esséniens les transmettaient fidèlement à leurs disciples. Que de vues nouvelles et d’aspects inconnus allaient se découvrir aux yeux troublés de ces hommes, qui apportaient à l’examen des Écritures leurs idées originales et fantastiques ! Chaque mot, chaque tour de phrase allait leur révéler un sens inattendu. Les problèmes les plus ardus sur l’essence divine et sur les rapports de Dieu avec