Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/201

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zèle déployé pour rehausser l’autorité de la Loi et pour arracher les Sadducéens à leur esprit d’opposition fut si grand, que Juda ben Tabbaï fit exécuter un jour un témoin qui avait été convaincu de faux témoignage dans une accusation capitale. Il voulait réfuter par un fait l’opinion des Sadducéens sur la question. Mais telle était la pureté des intentions qui les animaient, que Siméon ben Schétach n’hésita pas à reprocher à son collègue sa précipitation ; et Juda ben Tabbaï éprouva un si profond repentir d’avoir commis un meurtre juridique, qu’il renonça aussitôt à ses fonctions de président et manifesta hautement sa contrition. Une maxime de Juda ben Tabbaï qui révèle bien la douceur de son caractère, c’est la suivante : Tant que les accusés sont encore devant le tribunal, tu peux les considérer comme des coupables ; mais quand ils se sont retirés, ils doivent paraître des innocents à tes yeux. Siméon ben Schétach, qui, après le départ de Juda ben Tabbaï, occupa la présidence du Conseil, ne paraît pas s’être relâché de sa sévérité contre ceux qui transgressaient la Loi. Cette conduite lui attira la haine de ses adversaires, qui songèrent même à se venger en lui portant le coup le plus sensible. Ils produisirent deux faux témoins qui accusèrent son fils d’un crime digne du dernier supplice. Celui-ci fut en effet condamné à la peine de mort. Sur le chemin du supplice, le jeune homme affirma son innocence en termes si touchants que les témoins eux-mêmes en furent émus et reconnurent la fausseté de leurs allégations. Là-dessus, les juges ayant fait mine de prononcer son acquittement, la victime releva elle-même l’illégalité, de leur conduite en faisant remarquer que, d’après la Loi, les témoins qui reviennent sur leur déposition ne peuvent être crus. Et se tournant vers son père : Veux-tu, dit-il, que le salut d’Israël soit raffermi par ta main, considère-moi comme le pas d’une porte qu’on foule aux pieds. Et le père et le fils se montrèrent dignes de la haute mission de gardiens de la Loi : celui-ci sacrifia sa vie, celui-là sacrifia son amour de père. Siméon, le Brutus juif, laissa la justice suivre son cours, bien qu’il fut convaincu de l’innocence de son enfant, comme l’étaient, du reste, tous les juges.

La sévérité du tribunal pharisien n’avait pas épargné les chefs des Sadducéens, qui furent même les premiers frappés. Ainsi