Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/268

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Aussi vit-on se succéder, dans le court intervalle de trente ans, une foule de prétendus prophètes ou messies qui se déclaraient, de bonne foi d’ailleurs, chargés de mettre fin aux souffrances de la nation, et qui trouvèrent des adhérents fidèles et dévoués jusqu’à la mort. Mais s’il était aisé de trouver des croyants, il était plus difficile de se faire reconnaître et accepter de la nation entière. L’intelligence du peuple était trop éveillée par les luttes fréquentes et par la méditation des livres saints ; la division des partis était trop profonde et leurs idées messianiques trop divergentes pour permettre à une personnalité quelconque, se présentant sous les dehors d’un messie, de s’imposer comme telle à la nation entière. Les zélateurs républicains, disciples de Juda le Galiléen, voyaient surtout dans le Messie le vainqueur des ennemis d’Israël, celui qui devait les anéantir d’un souffle de sa bouche, mettre fin à la puissance romaine et rétablir l’âge d’or du règne de David. Les Schammaïtes exigeaient de lui, en outre, une piété rigide et une pureté de mœurs absolue. Les Hillélites, moins politiques que les premiers, moins fanatiques que les seconds, envisageaient volontiers le Messie comme un prince pacifique et conciliateur. Tous cependant s’accordaient à croire que le Messie devait appartenir à la race de David, et, de fait, l’expression fils de David était devenue, à la longue, synonyme de Messie. Ce qui devait aussi caractériser l’ère messianique, c’était, croyait-on, le retour des tribus dispersées, que tous les peuples renverraient chargées de présents, dédommagement de leurs longues souffrances. Les esprits même les plus éclairés, qui s’étaient imprégnés de la culture grecque, et dont Philon, le platonicien du judaïsme, est pour nous le principal représentant, aimaient à peupler de merveilles les prévisions de l’avenir. Une apparition surnaturelle, visible seulement aux âmes pieuses, servirait de guide aux exilés d’Israël et les ramènerait des pays grecs ou barbares dans leur patrie. L’ère messianique, pensaient-ils, trouvera la nation mûre pour cet félicité par l’élévation de ses sentiments, par la sainteté d’une vie patriarcale, où toute rechute sera désormais impossible, où la grâce divine sera assurée. Les sources de cette grâce, jaillissant de nouveau pour ne plus tarir, feront refleurir l’antique prospérité ; les villes détruites et