Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/75

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les empêcha pas de s’entendre sous main avec leurs amis d’ALexandrie pour se débarrasser de lui. Mais le jeune descendant de Tobie sut gagner rapidement les bonnes grâces de la cour. Par la somptuosité de ses présents, — cent beaux esclaves pour le roi et cent belles esclaves pour la reine, avec un talent que chacun d’eux était chargé d’offrir, — il éclipsa tous les autres hommages. Sa présence d’esprit et ses heureuses reparties en présence du roi et à sa table charmèrent Philopator, dont il devint le préféré. Fier de ses succès, Hyrcan retourna à Jérusalem. Ses frères, aux aguets sur la route avec leurs gens, l’attendaient pour l’assassiner ; mais il se mit en défense, ainsi que ses compagnons, et deux de ses frères furent tués. Son père l’accueillit froidement, à cause des prodigalités qu’il avait faites à la cour ; peut-être aussi voyait-il d’un œil jaloux qu’il eût, en si peu de temps, grandi dans la faveur du roi au point de l’effacer lui-même. Hyrcan ne put rester plus longtemps à Jérusalem, et, selon toute apparence, il reprit le chemin d’Alexandrie.

Or la dissension ne sévissait alors que dans la maison du fils de Tobie et n’avait pas encore atteint le peuple, ou, pour mieux dire, les habitants de Jérusalem. On n’y soupçonnait pas encore les maux incalculables que les divisions de cette famille et ses sympathies pour l’hellénisme devaient un jour déchaîner sur le peuple. Le présent offrait encore une apparence sereine. La Judée jouissait, pour le moment, d’une existence calme et douce. Le bien-être régnait partout et mettait aux mains de chacun ce qui peut embellir la vie. Les peuples voisins baissaient la tête devant le chef politique de la nation et n’osaient plus, comme autrefois, l’attaquer ni la vilipender. Jamais encore, depuis Néhémie, la Judée n’avait joui d’une situation aussi prospère. Une telle époque était favorable à l’éclosion d’une œuvre poétique, dont l’aimable et tendre coloris suppose des jours heureux et paisibles. C’est un chant d’amour où se reflètent un ciel d’azur, de vertes prairies, des fleurs balsamiques et surtout une sérénité absolue de l’âme, comme s’il n’y avait rien de plus sérieux dans la vie que d’errer sur des coteaux de myrrhe, de rêver parmi les touffes de lis, en se murmurant l’un à l’autre des paroles d’amour et s’enivrant des félicités de l’heure présente. Tel est le Cantique des cantiques (Schir ha-Schirim), —