Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/108

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plus sévère critique ; mais leur respect pour la mémoire de leur maître était tel qu’ils ne présentaient leurs commentaires que comme des additions (Tossafot) à ceux de Raschi. De là, leur nom de tossafistes. Leur but était, en partie, de combler les lacunes laissées par Raschi, en partie de rectifier et compléter ses explications.

Le principal caractère des tossafistes est de ne s’appuyer, dans leurs commentaires, sur aucune autorité, mais de faire appel, pour comprendre le texte, à la seule intelligence. Possédant une érudition prodigieuse, ils connaissaient toutes les contradictions, apparentes ou réelles, et toutes les analogies qui pouvaient se présenter dans le Talmud, et, grâce à leur étonnante finesse de dialectique, ils savaient disséquer, en quelque sorte, chaque passage et chaque opinion, en montrer les éléments constitutifs, indiquer le côté commun de ce qui semblait contradictoire, et faire ressortir la différence de ce qui paraissait semblable. Le texte du Talmud devint entre leurs mains comme une matière très malléable, qu’ils façonnaient à leur guise. Il arrivait même souvent que pour des questions que, pour les besoins de la pratique, ils étaient obligés de résoudre, ils trouvaient les solutions dans des textes talmudiques qui, au premier abord, ne paraissaient avoir rien de commun avec ces questions.

Les premiers tossafistes appartiennent, pour la plupart, à la famille de Raschi : ce furent ses deux gendres, Meïr ben Samuel, de Ramerupt (petite ville près de Troyes), et Juda ben Nathan ; ses trois petits-fils Isaac, Samuel et Jacob Tam, fils de Meïr, et enfin un de ses parents d’Allemagne, Isaac ben Ascher Hallévi, de Spire.

Mais si les Juifs du nord de la France et des provinces rhénanes étudiaient avec ardeur le Talmud, ils négligeaient totalement la poésie. L’imagination ne pouvait, en effet, s’abandonner que difficilement à ses caprices et à ses fantaisies dans un milieu où dominait surtout la logique, et où l’on était surtout occupé à éplucher le texte du Talmud. Même les explications de la Bible avaient un caractère talmudique. Les commentateurs de la Bible ne se préoccupaient nullement du sens réel du texte, ils restaient servilement attachés aux explications traditionnelles et aux interprétations de l’Aggada. À côté des tossafot talmudiques, il y eut