Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/109

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les tossafot bibliques. Deux hommes, qui vécurent vers 1100-1166, firent seuls exception à cette règle : Joseph Kara et Samuel ben Meïr. Le premier était fils de Simon Kara, l’auteur d’un recueil d’aggadot, et le second était petit-fils de Raschi, élevé également dans le respect de l’4ggada. Ils avaient donc d’autant plus de mérite d’abandonner la routine et de se laisser guider, dans leurs commentaires sur la Thora, par la grammaire et le bon sens, et non pas uniquement par la tradition. Samuel ben Meïr ou, par abréviation, Raschbam, ne craignit même pas de donner parfois des explications qui sont en contradiction formelle avec le Talmud, ont une allure caraïte et frisent presque l’hérésie. Cette ardeur des Juifs de France pour l’étude s’éteignit brusquement dans le sang ; l’ère des persécutions commença également pour eux.

Nous ne trouvons de sécurité ni en Orient, ni en Occident, dit Juda Hallévi dans un de ses chants d’une tristesse si poignante, et ces paroles étaient vraiment prophétiques. Tant que, par indifférence, par habitude ou par intérêt, les chrétiens et les musulmans négligeaient de mettre en pratique le principe, essentiellement intolérant, de leurs religions, les Juifs pouvaient vivre à côté d’eux. Mais dès qu’ils eurent été excités à conformer leur conduite à leurs croyances, les plus sanglantes persécutions affligèrent la population juive. Quoique les Juifs, en général, et surtout leurs chefs religieux ne fussent pas inférieurs aux chrétiens et à leurs prêtres, ceux-ci n’éprouvaient pour eux que du dédain. Dans les pays chrétiens, on méprisait les Juifs parce qu’ils ne voulaient pas croire à la divinité du Fils de Dieu, et les musulmans les maltraitaient parce qu’ils ne reconnaissaient pas Mahomet comme prophète. Des deux côtés, on les plaçait entre l’apostasie et la mort. Français et Allemands rivalisaient avec de sauvages Berbères pour persécuter la plus faible des nations. Sur les bords de la Seine, du Rhin et du Danube comme sur les plages de l’Afrique et du sud de l’Espagne, les adeptes du Christ et de Mahomet, oubliant que la meilleure partie de leurs religions est empruntée au judaïsme, entreprirent, au nom de ces religions, une chasse féroce contre les Juifs. À partir de l’année 1146, commence pour les Juifs une longue période de malheurs et d’indicibles souffrances, qui imprimèrent à la race juive cet air de misère et