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ardente piété, réunit les prières de la Synagogue dans un ordre régulier (Siddour), publia les règles du calendrier (Ibbour), soutint des discussions avec le massorète Aaron ben Ascher, de Tibériade, et se montra, en général, dans cette période, un écrivain actif et fécond.

Ses écrits les plus remarquables sont les deux ouvrages dans lesquels il a exposé ses idées philosophiques : son commentaire sur « le Livre de la Création » (Séfér Yecira) et son « Traité des Croyances et des Opinions », tous deux en arabe. Ni les caraïtes ni les Arabes ne possédaient encore à cette époque un système complet de philosophie religieuse. Saadia fut le premier à créer un pareil système ; il emprunta à l’école arabe des mutazilites sa méthode et quelques-unes des questions philosophiques qu’il traita dans ses ouvrages. Quelques années auparavant, Saadia avait eu la singulière idée de publier un parallèle entre les dix commandements et les dix catégories d’Aristote.

En publiant (en 934) le « Traité des Croyances et des Opinions », Saadia avait pour but de combattre et de rectifier les erreurs qui avaient cours sur le judaïsme parmi les incrédules et les sceptiques, et aussi dans la foule croyante mais ignorante, qui considérait comme hérétiques ceux qui se permettaient de raisonner sur les questions religieuses. Je suis vivement peiné, dit Saadia dans son introduction, qu’il existe des êtres intelligents, même parmi mon peuple, qui ont une foi imparfaite et des idées religieuses absolument fausses. Les uns nient des vérités claires comme le soleil et se vantent d’être incrédules, d’autres sont plongés dans l’abîme du doute, ils sont submergés sous des flots d’erreurs, et le plus courageux nageur n’ose pas les en tirer. Étant, par la grâce de Dieu, en état de leur être utile, je considère comme un devoir de les remettre par mon enseignement dans le droit chemin… À ceux qui déclarent que la spéculation philosophique conduit à la négation et à l’incrédulité, je répondrai que pareille crainte ne peut exister que chez la foule ignorante, chez ceux, par exemple, qui croient dans notre pays que quiconque se rend aux Indes est sûr de s’enrichir, ou chez ceux qui admettent que quelque monstre semblable à un dragon avale la lune et produit ainsi l’éclipse, ou qui croient à d’autres absurdités de ce genre. On objectera peut-être que les plus éminents d’entre les docteurs juifs ont défendu de