Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/176

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du roi d’Aragon, de se réunir à Bourg de Saint-Gilles, pour envoyer à Rome des personnes influentes et habiles qui les défendraient contre les accusations de leurs adversaires. Leurs efforts restèrent sans résultat. Le concile réuni à Rome, en novembre 1215, dans la basilique de Latran, renouvela d’abord les anciennes restrictions contre les Juifs ; il en ajouta ensuite d’autres encore. Ainsi, il imposa aux princes chrétiens le soin de surveiller sévèrement les Juifs, pour les empêcher de prêter de l’argent aux chrétiens à un taux trop élevé. Cette mesure s’explique facilement, car l’Église, ne voulant pas prendre en considération les nécessités financières de l’époque, s’en tenait à la lettre de la Bible, qui défendait tout prêt à intérêt. Et cependant, il y avait bien des chrétiens, et même des ecclésiastiques, qui favorisaient l’usure des Juifs pour en tirer un profit personnel, et il existait aussi des associations chrétiennes, comme les Lombards et les Caorsins, qui exigeaient un taux bien plus élevé que les Juifs. Le concile défendit aux Juifs baptisés, sous les peines les plus sévères, de pratiquer secrètement le judaïsme. À la fête de Pâques, aucun Juif n’avait le droit de se montrer en public. Les Juifs, acquéreurs ou détenteurs gagistes de biens-fonds ou de maisons, devaient non seulement payer la dîme au clergé catholique, comme les chrétiens, mais encore participer pour six deniers par famille aux frais d’entretien de l’église pendant la Fête de Pâques. Enfin, on répéta aux princes chrétiens la défense de confier à des Juifs des fonctions publiques.

Un décret du concile de Rome fut particulièrement pénible pour les Juifs : ce fut l’obligation de porter dorénavant sur leurs vêtements, dans tous les pays chrétiens, un signe distinctif qui les fit reconnaître des autres habitants. On prétendit que cette décision avait pour bat d’empêcher les mariages mixtes, qui se contractaient quelquefois par erreur dans certaines contrées où juifs et mahométans avaient le même costume que les chrétiens. On essaya même de justifier cette institution infamante par une loi de Moise, qui aurait ordonné aux Juifs de se distinguer par leurs vêtements.

À partir de l’âge de douze ans, les jeunes gens, sur l’ordre du concile, devaient attacher à leur chapeau, et les jeunes filles à leur voile, un morceau d’étoffe d’une couleur particulière.