Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et des païens, les rois, dont la foi catholique n’était pas très vive, avaient d’abord traité les Juifs avec beaucoup d’égards. Ils leur affermaient le droit de battre monnaie, le monopole du sel, la rentrée des impôts, et, en général, ils leur confiaient des emplois publics. Il y avait même quelquefois des mariages entre juifs et chrétiens. Une telle situation déplut à la papauté, et quand le roi André, en lutte avec les magnats, auxquels il avait été obligé d’octroyer une charte, fit appel à l’intervention du pape Grégoire IX, celui-ci commença par l’obliger à éloigner Juifs et musulmans de toute fonction publique. André promit de se conformer à la volonté du pape. Mais la nécessité aidant, il continua d’employer des fermiers et fonctionnaires non chrétiens. Il fut excommunié avec ses partisans, sur l’ordre du pape, par l’archevêque de Gran. Sous la pression des circonstances, il dut enfin céder et promettre solennellement (en 1233) de ne plus appeler de Juifs ou de Sarrasins à des emplois publics, d’interdire les mariages mixtes et de contraindre les Juifs à porter un signe distinctif. Un serment analogue fut imposé par les légats du pape au prince héritier Bèla, au roi de Slavonie, ainsi qu’à tous les magnats et hauts dignitaires.

Aux persécutions du dehors, qui affaiblissaient les Juifs, vinrent se joindre des déchirements intérieurs. Par une singulière ironie du sort, les écrits de Maïmonide, qui, dans la pensée de leur auteur, devaient établir des liens étroits entre les Juifs de tous les pays et assurer l’unité du judaïsme, devinrent, au contraire, une cause de discorde. En essayant de réconcilier la foi et la raison, Maïmonide avait émis des assertions qui étaient en contradiction avec les doctrines de la Bible et du Talmud. Les obscurantistes arguèrent de ces contradictions pour condamner rigoureusement toute recherche scientifique et prescrire de se conformer à cette maxime du Talmud : Empêchez vos enfants de réfléchir. Il y eut aussi des esprits libéraux qui déploraient que, dans son désir de mettre d’accord la religion et la philosophie contemporaine, Maïmonide eût subordonné totalement la première à son système philosophique. Ils lui reprochaient de ramener les miracles à de simples événements naturels, de considérer fa prophétie, non pas comme une communication directe avec la