Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/187

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lettre très pressante à Juda ibn Alfahar, le chef des Juifs de Tolède, lui reprochant son silence persistant dans une conjoncture aussi importante et l’engageant à se prononcer en faveur des droits de la pensée. David Kimhi fut trompé dans son attente. Dans son for intérieur, Juda ibn Alfahar s’était déclaré depuis longtemps contre les maïmonistes, et il prenait en si sérieuse considération l’anathème lancé contre eux par les rabbins français qu’il hésitait à répondre à Kimhi. À la fin, il s’y décida, mais traita Kimhi de si dédaigneuse façon que les maïmonistes en furent déconcertés.

Malgré la sympathie qu’Alfahar, Nahmani et Meïr Aboulafia témoignaient à sa cause, Salomon de Montpellier sentait le succès lui échapper. Dans son pays, comme en Espagne, l’opinion publique était contre lui. Ceux même des rabbins français sur lesquels il comptait se retiraient d’une lutte dont ils commençaient à entrevoir les dangers. Délaissé de tous et attaqué avec violence dans sa propre communauté, Salomon se décida alors à une démarche qui eut les plus tristes conséquences non seulement pour son parti, mais pour le judaïsme tout entier.

Vers cette époque, le pape Grégoire IX, résolu à exterminer totalement les Albigeois, venait de décréter (avril 1233) que l’Inquisition fonctionnerait en permanence dans la Provence, et comme les évêques lui avaient semblé manquer de vigueur dans la répression des hérésies, il confia la direction de ce tribunal extraordinaire aux farouches dominicains. Dans toutes les villes importantes du midi de la France où les dominicains possédaient des couvents on voyait s’organiser des tribunaux qui condamnaient à la prison perpétuelle ou au bûcher les hérétiques, les suspects et parloir même les innocents. Pour triompher de ses adversaires, Salomon provoqua l’intervention de l’Inquisition : Vous brûlez vos hérétiques, dit-il aux dominicains, persécutez également les nôtres. La plupart des Juifs de Provence sont empoisonnés par les écrits impies de Maïmonide. Faites brûler ces écrits, et les Juifs effrayés cesseront de les étudier. Il n’était pas nécessaire de convier deux fois les moines dominicains à un pareil acte. Ils craignaient, du reste, que le rationalisme de Maïmonide se propageât également parmi leurs coreligionnaires. Car, vers la