Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/203

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sur des foules auxquelles l’Église elle-même avait enseigné à haïr et à mépriser les Juifs ? Saint Louis lui-même, ce roi que l’histoire a popularisé pour sa justice et sa bonté, éprouvait une telle horreur pour les Juifs qu’il ne voulait même pas en supporter la vue. Que restait-il donc aux Juifs pour se défendre contre la haine qui les enveloppait de toutes parts ? L’argent, et encore l’argent. Opprimés et traqués dans un pays, ils réussissaient souvent à acheter la protection des souverains d’un autre pays. C’est ainsi que le roi d’Angleterre, Henri III, leur vendit pour une somme considérable le droit de vivre en sécurité dans ses États. Mais l’argent était pour les Juifs un instrument à deux tranchants ; s’il leur assurait des avantages, il était aussi pour eux l’origine de bien des maux, car ils ne pouvaient se le procurer qu’en prêtant à un taux très élevé. Il est vrai que, par des confiscations et des impôts exagérés, les princes prenaient la plus grosse part pour eux ; mais le peuple ne voyait qu’une chose, les gros intérêts que les Juifs l’obligeaient à payer. De là, un ressentiment violent contre les Juifs et parfois de terribles explosions de fureur.

Au milieu de leurs douloureuses épreuves, les Juifs avaient encore conservé jusque-là un petit coin où ils se sentaient libres et où ils oubliaient leurs souffrances. C’était l’école. Là, ils s’absorbaient dans l’étude, et leur pensée, s’élevant au-dessus de leur situation misérable, au-dessus de la haine qui les poursuivait au dehors, se retrempait dans les régions sereines de la foi et de l’espérance. Ils n’attendaient de leurs recherches et de leurs veillées laborieuses ni honneurs, ni dignités ; ils aimaient la science pour elle-même, heureux de pouvoir satisfaire leur soif de savoir et se rendre dignes de la félicité éternelle. Avant tout, on voulait apprendre, et le livre qu’on étudiait surtout avec une patience opiniâtre et une ardeur passionnée était le Talmud. Dès que l’enfant savait balbutier, on le conduisait, pendant la Pentecôte, à la synagogue, qui s’appelait aussi l’école, Schule, pour lui enseigner la lecture de l’hébreu et le préparer à l’étude de la Bible et du Talmud. Le jour où l’enfant faisait, pour la première fois, son entrée à l’école était un jour de fête pour les parents et la communauté tout entière. Cette étude minutieuse, constante, du Talmud représentait, il est vrai, toute la culture intellectuelle des