Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/204

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Juifs, mais c’était aussi leur suprême consolation, la sauvegarde de leur unité religieuse, l’unique refuge qui. leur avait été laissé jusqu’alors.

Ce refuge aussi devait leur être ravi, on les empêcha même d’étudier. Ce coup douloureux leur fut porté par un Juif renégat, Donin ou Dunin, de La Rochelle. Comme Donin avait exprimé des doutes sur la valeur du Talmud, et, en général, sur l’authenticité de la loi orale, il fut excommunié. Il se détacha alors complètement du judaïsme, se fit baptiser sous le nom de Nicolas, et n’eut plus qu’un désir, celui de se venger de ses anciens coreligionnaires. À l’instigation probable du clergé, il excitait sans cesse la foule contre les Juifs et leurs livres sacrés, et provoqua ainsi les massacres de l’Anjou et du Poitou. Mais sa soif de vengeance n’était pas encore satisfaite. Il se rendit auprès du pape Grégoire IX et accusa devant lui le Talmud de dénaturer le sens des prescriptions bibliques, de présenter Dieu sous des images burlesques, de proférer des blasphèmes contre le fondateur du christianisme et sa mère, et d’être respecté par les rabbins plus que la Bible ; il ajouta que le Talmud seul maintenait les Juifs dans leurs erreurs, et que sans ce recueil ils se seraient convertis depuis longtemps au christianisme.

Il est hors de doute que le Talmud, composé sans aucun esprit de critique scientifique ou historique, contient toute espèce de propos. Par un respect exagéré pour les anciens docteurs, ceux qui ont mis en ordre les matériaux de ce vaste recueil ont cru devoir y admettre la moindre parole, sérieuse ou plaisante, jeu d’imagination ou facétie, qui avait échappé aux tannaïm et aux amoraïm. C’était certainement une faute, ou, du moins, une grave imprudence, car, pour nuire aux Juifs, on a feint de donner la même valeur à tout le contenu du Talmud et de mettre sur le même rang de simples badinages et des prescriptions importantes. Bien souvent, à travers les siècles, l’accusation que Nicolas Donin a dirigée le premier contre le Talmud a été reprise par d’autres ennemis des Juifs et a eu souvent les plus désastreuses conséquences.

Pour prouver son dire, Nicolas Donin réunit des extraits du Talmud, qu’il fit suivre de trente-cinq chefs d’accusation. On y lit, entre autres, que le Talmud enseigne des erreurs, des sottises et des absurdités,