Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/207

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comme une punition divine, parce qu’il s’était montré favorable aux Juifs. Encore une fois l’iniquité triompha ; le Talmud fut condamné, et vingt-quatre charretées d’exemplaires furent brûlés publiquement à Paris (1242). Ce douloureux événement affligea profondément les Juifs, beaucoup d’entre eux célébrèrent pendant longtemps par des jeûnes ce triste anniversaire, et deux jeunes savants, Abraham Bedarsi, de la Provence, et Meïr, de Rothenbourg, en Allemagne, en perpétuèrent le souvenir dans de touchantes élégies.

Un peu plus tard, quand le pape Innocent IV eut été informé que les Juifs avaient pu arracher au feu un certain nombre d’exemplaires du Talmud, il ordonna au roi de France de procéder à de nouvelles perquisitions. C’est ainsi qu’on fit en France, à plusieurs reprises, des autodafés de livres hébreux.

À force de voir l’Église traiter les Juifs en réprouvés et multiplier contre eux les lois restrictives, le peuple les croyait capables de tous les crimes. Au moment où les Mongols et les Tartares, ces sauvages guerriers de Gengis Khan, envahissaient l’Europe, ravageaient la Russie et la Pologne et étendaient leurs incursions jusqu’en Allemagne, on répandit le bruit que les Juifs étaient secrètement d’accord avec eux. Au lieu de s’attaquer à Frédéric II et au pape, dont les querelles constantes facilitaient singulièrement les progrès de ces terribles conquérants, la colère populaire s’en prenait aux Juifs. Sans doute, il y avait dans les rangs des Mongols quelques soldats juifs, originaires du Khorassan, ou, comme le rapportait la légende, des dix tribus qui s’étaient établies dans les gorges des monts Caspiens. Mais les Juifs allemands savaient-ils seulement que l’armée ennemie renfermait un certain nombre de leurs coreligionnaires ? On peut en douter. Quoi qu’il en soit, le bruit se répandit que les Juifs d’Allemagne avaient trahi leur pays, et qu’au lieu de livrer aux Mongols des aliments empoisonnés, comme ils en avaient donné l’assurance à leurs compatriotes, ils avaient essayé de leur remettre des tonneaux remplis d’armes. Cette accusation servit de prétexte à d’atroces cruautés.

Après la persécution violente, la persécution légale. Dans la pensée de l’Église, la situation des Juifs au milieu de la société chrétienne était sans doute encore trop belle, elle se croyait donc