Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/208

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dans l’obligation de la rendre plus misérable. Jusqu’alors, la médecine avait été surtout pratiquée par des Juifs. Presque chaque prince avait son médecin juif. Aux yeux de l’Église, l’influence que les médecins pouvaient avoir sur les malades était un danger pour le christianisme, et, au concile de Béziers (1246), elle résolut d’interdire à tout médecin juif de donner ses soins à un chrétien. Cette interdiction fut renouvelée à un autre concile, tenu dans le sud de la France. Et cependant, c’étaient les Juifs qui avaient principalement donné l’impulsion aux études médicales dans la Provence. Toute la famille des Tibbonides, l’aïeul, le fils et le petit-fils, avaient enseigné la médecine à des chrétiens, et maintenant on voulait défendre à un membre de cette famille, à Moïse (établi à Montpellier vers 1250-1260), qui avait traduit de nombreuses œuvres médicales et philosophiques, de soigner un chrétien !

Mais, malgré les foudres dont ils étaient menacés, les chrétiens ne se soumettaient que difficilement à l’ordre de l’Église. Quand on sent sa vie en danger, on est tenté parfois d’oublier son salut éternel, et comme les médecins juifs étaient renommés pour leur expérience, les malades chrétiens continuaient de les consulter. Ainsi, le comte du Poitou et de Toulouse, frère de saint Louis, qui avait une maladie d’yeux, sollicita les soins d’un oculiste juif, Abraham d’Aragon. À Montpellier aussi, où se trouvait à cette époque une école de médecine célèbre, les médecins juifs pouvaient continuer d’être examinateurs, praticiens et mêmes professeurs.

En Angleterre, où régnait alors Henri III (1216-1272), les Juifs soutiraient comme ils avaient souffert sous le roi précédent, Jean sans Terre. Sans doute, Henri III favorisait l’immigration des Juifs dans son royaume et les protégeait quelquefois contre le fanatisme du clergé. Mais il était léger, prodigue, et il avait besoin de beaucoup d’argent ; il obligea les Juifs à lui en fournir. II plaça toutes les communautés juives d’Angleterre sous l’autorité d’un grand rabbin, dont la principale fonction consistait, aux yeux du roi, à faire rentrer la taxe imposée aux Juifs. Un jour qu’il avait besoin d’une somme élevée, il convoqua même un parlement juif, qu’il chargea de lui trouver l’argent qui lui était nécessaire. Quand il eut suffisamment pressuré les Juifs, pensant ne plus pouvoir