Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/231

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Les habitants des villes que les Juifs avaient abandonnées considérèrent les biens et les immeubles des émigrés comme tombés en déshérence et s’en emparèrent. Mais Rodolphe les réclama comme un héritage qui devait lui revenir de droit, sous prétexte que leurs anciens propriétaires avaient été ses serfs.

Quoique Meïr fût traité avec douceur dans sa tour, où il pouvait recevoir des visites, instruire des élèves et remplir ses fonctions rabbiniques, les Juifs d’Allemagne étaient néanmoins très affligés de savoir leur chef religieux en prison. Ils proposèrent à Rodolphe de lui verser 20.000 marcs d’argent s’il consentait à châtier les meurtriers des Juifs d’Oberwesel et de Boppard, à remettre Meïr en liberté et enfin à les protéger à l’avenir contre les violences de la populace. Rodolphe accepta les conditions et l’argent. Mais Meïr resta en prison, soit que l’empereur ait refusé de le mettre en liberté, dans l’espoir d’obtenir des Juifs une nouvelle rançon pour leur rabbin, soit que Meïr lui-même n’ait pas voulu profiter de l’intervention de ses coreligionnaires, afin de ne pas encourager l’empereur à emprisonner d’autres rabbins pour qu’ils fussent ensuite rachetés par leurs communautés. Après cinq ans de détention, Meïr mourut, et son corps resta sans sépulture jusqu’au moment où un homme riche et sans enfants, Süsskind Alexandre Wimpfen, de Francfort, réussit à le racheter pour une somme élevée et à le faire enterrer à Worms.

En Angleterre aussi, les Juifs étaient très malheureux vers cette époque. On eût dit qu’avant de les envoyer définitivement en exil, on voulait leur faire vider goutte à goutte le calice jusqu’à la lie. Cependant, à l’avènement du roi Édouard Ier, ils pouvaient croire au moins leur existence en sécurité ; on leur extorquait, il est vrai, le plus d’argent possible, mais ils étaient protégés contre les violences de la foule. Un simple incident vint modifier leur situation et attirer sur eux la colère du clergé. Un moine dominicain, Robert de Reddingge, dont la parole éloquente émouvait alors tous les cœurs, avait suivi les conseils donnés autrefois par un général de l’ordre, Raimond de Peñaforte, et étudié la langue hébraïque. Cette étude produisit un effet tout contraire à celui qu’en espérait Raimond. Au lieu d’aider à convertir les Juifs, elle amena la conversion du moine Robert. Celui-ci, bravant les dangers