Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/266

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sérieuse. On trouvait parmi eux des gens très riches, possédant de magnifiques palais ; il y avait aussi des lettrés, aimant la science et la poésie. La semence jetée sur le sol italien par les Ibn Ezra, les Hillel de Vérone, les Zerahya ben Schaltiel et d’autres, commençait à germer, et, par une coïncidence singulière, la civilisation juive était en pleine floraison en Italie, et surtout à Rome, à l’époque même où elle était menacée dans le sud de la France par les tendances étroites et exclusives de l’école talmudique et aussi par de sanglantes persécutions.

On sait, du reste, qu’au commencement du XIVe siècle, à l’époque du Dante, se produisit en Italie comme un réveil de l’esprit humain, qui était resté engourdi pendant tout le moyen âge sous la lourde pression de l’Église et de la chevalerie. Cette renaissance des arts et de la science agit également sur les Juifs, qui prirent part au mouvement. Ils trouvèrent à ce moment un protecteur bienveillant dans la personne d’un des plus puissants princes italiens, Robert d’Anjou, qui était roi de Naples, comte de Provence, vicaire général des États du pape et aussi, d’après son titre, vicaire de l’Empire. Il eut pour maître d’hébreu le Juif Leone Romano, qui comprenait la langue des savants chrétiens et fut probablement le premier, parmi ses coreligionnaires, à étudier la philosophie scolastique des dominicains. Romano traduisit pour les lecteurs juifs quelques écrits philosophiques d’Albert le Grand et de saint Thomas d’Aquin.

Sur l’invitation de Robert d’Anjou, un polygraphe à l’imagination féconde, Schemaria Ikriti (de l’île de Crète), écrivit un commentaire sur la Bible ; il le dédia au prince en ces termes : Je dédie cette explication de l’histoire de la création et du Cantique des Cantiques à notre très puissant souverain Robert, orné, comme Salomon, de la couronne de la sagesse et de la royauté.

Pendant son séjour dans le sud de la France, le roi Robert fit la connaissance d’un satirique juif instruit et de séduisantes manières, nommé Kalonymos, qu’il prit à son service. Il est, du reste, à remarquer que, par esprit d’imitation ou peut-être par amour pour la science, bien des Juifs riches appelaient auprès d’eux, comme les princes italiens, de savants coreligionnaires,