Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/267

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auxquels ils assuraient l’existence matérielle et dont ils stimulaient l’activité scientifique et littéraire.

Outre Kalonymos, le protégé de Robert d’Anjou, qui, quoique Provençal, résida pendant longtemps à Rome, un autre satirique juif vivait encore, à cette époque, en Italie. C’était Immanuel ben Salomon Romi, ami du Dante. Tous les deux possédèrent l’art de transmettre à la postérité, sous les dehors d’un léger badinage, une peinture exacte de leur époque.

Fait remarquable chez un Provençal, Kalonymos ben Kalonymos (né en 1284 et mort avant 1337) était familiarisé avec la langue et la littérature arabes et traduisit déjà dans sa jeunesse (1307-1313), de l’arabe en hébreu, des livres de médecine, d’astronomie et de philosophie.

Mais il ne se contenta pas du rôle secondaire de faire connaître les œuvres des autres, il publia des œuvres originales. Laissant de côté la métaphysique pure, il se consacra particulièrement à l’étude de la morale, qu’il voulait inculquer à ses coreligionnaires pour les empêcher de se laisser aller à toute sorte d’égarements et de se nuire mutuellement. Cet enseignement de la morale, il essaya de le présenter sous une forme attrayante, au lieu de lui donner le caractère ennuyeux d’un ouvrage purement didactique. Il suppose dans sa Pierre de touche, composée à la fin de 1322, que ses coreligionnaires voient se refléter dans un miroir leurs erreurs, leurs défaillances et leurs péchés. Pour ne pas prendre l’aspect morose d’un censeur désagréable, il commence par énumérer ses propres fautes. Mais c’est là plutôt une satire qu’une confession. Il se laisse même parfois entraîner par son esprit caustique jusqu’à rire du judaïsme. Ainsi il feint de regretter de ne pas être né femme, parce que, dans ce cas, il n’aurait pas à supporter la charge des six cent treize lois mosaïques et des innombrables prescriptions talmudiques, qu’il est impossible d’observer dans leur totalité. Il aurait été également dispensé d’étudier la Bible et le Talmud avec leurs commentaires et de s’occuper de logique, de mathématiques, de physique, d’astronomie et de philosophie. Mais à de certains moments, le ton badin de Kalonymos devient grave et sa satire se change en élégie. C’est que son esprit est alors brusquement traversé