Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/330

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Il y prend également à partie Paul de Santa-Maria, dont En-Bouet lui avait fait un éloge pompeux : À t’entendre parler de lui, lui dit-il, il me semble que Paul a des chances de devenir pape, mais tu ne m’annonces pas s’il sera nommé à Rome ou à Avignon (allusion ironique à la rivalité des deux papes). II continue ainsi : Tu le loues d’avoir fait exempter des femmes et des enfants juifs de l’obligation de porter des signes distinctifs. Annonce cette heureuse nouvelle aux femmes et aux enfants. Pour moi, j’ai entendu dire qu’il a dirigé d’odieuses accusations contre les Juifs et que le cardinal de Pampelune s’est vu forcé de lui imposer silence. Tu émets aussi l’espoir que ton cher maître Paul sera bientôt nommé évêque et aura le chapeau de cardinal. Je partage ta joie, car je prévois que, grâce à lui, toi aussi tu seras revêtu de dignités ecclésiastiques. À la fin de la lettre, Profiat Duran quitte son ton sarcastique, pour parler avec une sévère gravité ; il conseille à son ami de ne pas porter comme chrétien le nom de son père, qui, s’il était encore en vie, préférerait certainement voir son fils mort plutôt que renégat. Cette satire, répandue à profusion, produisit une profonde sensation, à tel point que le clergé, une fois qu’il en eut reconnu le vrai caractère, en fit rechercher tous les exemplaires pour les brûler.

Sur les conseils de Hasdaï Crescas, qui lui avait confié autrefois l’instruction de ses enfants, Profiat Duran composa encore un autre ouvrage contre le christianisme, non plus sur le ton de l’ironie, mais avec le calme et la sérénité de l’historien. Comme il connaissait le Nouveau Testament et l’histoire de l’Église, il put montrer combien le caractère de la religion chrétienne avait été dénaturé depuis sa fondation.

Protégé par l’antipape Benoît XIII, d’Avignon, Paul de Santa-Maria s’éleva assez rapidement aux plus hautes dignités, il fut nommé évêque de Carthagène, chancelier de la Castille, et, enfin, conseiller intime du roi Don Henri III. Pourtant il ne réussit pas à irriter le roi contre les Juifs. Don Henri avait deux médecins juifs, auxquels il accordait une confiance absolue : Don Meïr Alguadès, qui était également versé dans la connaissance de l’astronomie et de la philosophie, et que le roi plaça comme grand-rabbin à la tête des communautés de la Castille, et Don Moïse Carçal, qui