Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de quelques amis chrétiens, et qui s’adressait bien plus aux chrétiens qu’aux Juifs, il examine les dogmes du christianisme au point de vue philosophique et montre combien il est difficile de comprendre le péché originel, la Rédemption, la Trinité, l’Incarnation, etc. Il étudie aussi dans son livre les rapports de l’Ancien et du Nouveau Testament avec une calme sérénité, sans avoir l’air de se douter que c’étaient là des questions brûlantes dont l’examen pouvait lui coûter la vie.

Bien plus vive et plus mordante était une autre œuvre de polémique, qu’un Juif converti, qui était revenu au judaïsme, publia à cette époque contre ceux des nouveaux chrétiens qui attaquaient lâchement leurs anciens coreligionnaires. Le nom juif de l’auteur de cette satire était Isaac ben Moise, mais il est plutôt connu sous le nom de Profiat Duran et surtout sous celui d’Efodi. Médecin, astronome, historien, ce savant fut contraint, pendant les persécutions sanglantes de 1391, d’accepter le baptême, en même temps que son ami David En-Bovet Buen Giorn. Plus tard, tous deux résolurent de se rendre en Palestine pour y retourner au judaïsme et faire pénitence de leur apostasie. Après avoir mis ses affaires en ordre, Profiat Duran partit pour un port du sud de la France, afin d’y attendre son ami. Mais celui-ci ne vint pas. Circonvenu par le renégat Paul de Santa-Maria, il écrivit à Profiat Duran qu’il était décidé de rester chrétien, engagea son ami à suivre son exemple, et célébra en termes enthousiastes la haute valeur du christianisme et les vertus de Paul de Santa-Maria. Profiat Duran lui adressa une réponse qui est un petit chef-d’œuvre de malice et de fine ironie. Il a l’air de lui donner raison sur tous les points, et à chaque paragraphe reviennent ces mots, comme un refrain : N’imite pas tes aïeux (Al tehi kaabotéka). Bien des chrétiens se sont trompés sur l’intention réelle de l’auteur et ont pris sa réplique, qu’ils citent sous le titre d’Alteca Boteca, pour une plaidoirie en faveur du christianisme.

Sous prétexte de démontrer les erreurs de la religion juive, Profiat Duran, dans sa réponse, met à au avec une rigueur impitoyable les points faibles du christianisme, accumulant en quelques lignes concises tous les arguments fournis par la logique, la philosophie et la Bible contre quelques-uns des dogmes chrétiens.