Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/370

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juifs que le capital même qu’ils avaient emprunté, déduction faite des intérêts déjà versés. Après une détention d’un mois, les Juifs durent racheter leur vie au prix de 30.000 florins et prendre le chemin de l’exil dans le plus grand dénuement. Le duc Louis aurait infligé volontiers le même traitement à la riche et importante communauté de Ratisbonne, placée sous sa domination. Mais comme il n’avait qu’une autorité limitée sur les Juifs de cette ville, qui, en qualité de bourgeois de Ratisbonne, avaient droit à la protection du conseil de la cité, il dut se contenter de leur imposer une contribution. Il parait qu’à cette époque, bien des Juifs, par crainte ou par nécessité, embrassèrent le christianisme.

Quand on va au fond des choses, il semble qu’on peut expliquer jusqu’à un certain point l’excessive sévérité du droit canon à l’égard des Juifs par la crainte que l’Église éprouvait de voir l’esprit juif agir sur les populations chrétiennes. Ce sentiment, soigneusement dissimulé dans les bulles papales, apparaît clairement dans l’ouvrage d’un cardinal du temps. Ce dignitaire, appelé Nicolas de Cusa (originaire de Cuez, sur la Moselle), poursuivait la chimère de réunir toutes les religions sous la bannière de l’Église et d’en former une religion unique. Il était disposé à sacrifier, dans ce but, les cérémonies du culte chrétien et même à accepter la circoncision ; par contre, il voulait que l’on acceptât le dogme de la Trinité. Mais il craignait, comme il le dit explicitement, que l’attachement obstiné des Juifs au dogme de l’unité de Dieu ne fût un obstacle très grand à la réalisation de son plan. Il exprimait pourtant l’espoir qu’il réussirait à briser l’opposition de cette poignée de récalcitrants, et, au concile provincial de Bamberg (1450-1451), où il assistait comme légat du pape, il proposa un certain nombre de mesures pour triompher de leur résistance. Quoiqu’il eût été déjà prescrit aux Juifs, à plusieurs reprises, de porter des signes distinctifs, il fit décréter une nouvelle fois, par le concile de Bamberg, que les hommes fussent contraints d’attacher un morceau de drap rouge sur leur poitrine et les femmes une bande bleue à leur coiffure (mai 1451). Précaution indispensable, à son sens, pour empêcher tout commerce entre Juifs et chrétiens et soustraire ainsi ces derniers à t’influence des idées juives.