Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/371

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Mais, par une singulière contradiction, l’Église, qui paraissait redouter les divulgations que les Juifs pourraient faire aux chrétiens sur ses points faibles, ne se contentait pas d’avoir augmenté le nombre de ses adeptes de milliers de Marranes, qui avaient dû accepter le baptême en Espagne et pouvaient devenir pour elle un danger, elle ambitionnait de conquérir sans cesse de nouvelles recrues. Aussi encourageait-elle tant qu’elle pouvait l’activité dévorante déployée par Capistrano dans sa campagne de prosélytisme. Ce moine, à la figure émaciée, aux manières grossières, possédait une voix séduisante et une volonté énergique, qui l’aidaient à émouvoir, à passionner, à enrayer, non seulement les masses, mais encore les classes élevées de la population. Comme, un peu auparavant, le dominicain espagnol Vincent Ferrer, de même Capistrano ne trouvait pas sa force de persuasion dans son éloquence, mais dans le timbre mélodieux de sa voix et dans son ardent fanatisme. Il était profondément convaincu qu’avec le sang qu’il avait recueilli du nez de son maître Bernardin de Sienne et avec son capuchon, il pouvait guérir les malades, ressusciter les morts et opérer toute sorte de miracles. Cette conviction, il la faisait pénétrer partout facilement dans l’esprit de la foule, qui racontait partout ses exploits miraculeux. Sa vie austère, sa haine du luxe et de toutes les commodités de l’existence offraient un contraste frappant avec les mœurs molles et relâchées des laïques et des moines du temps et lui valaient l’admiration et le respect du peuple. À sa voix, des milliers d’auditeurs se réunissaient autour de lui, et, à écouter ses prédications latines, ils tressaillaient d’enthousiasme, tout en n’en comprenant pas un mot.

Les papes Eugène IV et Nicolas V songèrent successivement à se servir de l’influence considérable de Capistrano pour consolider le trône pontifical. Sur leur ordre, il prêchait sur l’infaillibilité des papes et recommandait l’extermination des hérétiques et des Turcs ; parfois aussi, il s’élevait contre les jeux les plus innocents et contre les plaisirs mondains. Les papes le laissaient faire, parce que ses diatribes ne les troublaient nullement dans leurs jouissances. Un autre sujet qu’il développait fréquemment, c’était l’incrédulité et l’usure des Juifs. Déjà, quelque temps auparavant, il avait été nommé juge d’inquisition par la reine