Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/42

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et protégeaient la science et la poésie. Les plus cordiales relations régnaient entre les musulmans et les juifs, qui écrivaient souvent l’arabe avec élégance et pureté. On ne voyait pas, comme dans certains pays, les talmudistes témoigner de l’hostilité aux autres savants. Exégètes, talmudistes, philosophes, poètes, vivaient entre eux dans un parfait accord et savaient s’estimer et se respecter les uns les autres.

À côté de leur goût éclairé pour les sciences et les arts, les Juifs d’Espagne possédaient l’aisance des manières et l’élévation des sentiments. Aussi chevaleresques que les Arabes d’Andalousie, ils leur étaient supérieurs en loyauté et en noblesse. Ils étaient fiers de leurs aïeux, et certaines familles telles que les Ibn Ezra, les Alfachar, les Alnakwah, les Ibn Faljadj, les Ibn Giat, les Benvenisti, les Ibn Migasch, les Abulafia, formaient une véritable aristocratie. Mais loin de s’arroger des privilèges spéciaux, ces familles illustres estimaient, au contraire, que leur naissance leur imposait des obligations plus nombreuses et plus lourdes ; elles s’efforçaient de briller par leur intelligence et leur cœur, et de se rendre ainsi dignes de leurs ancêtres. Attachés à leur religion, fidèles aux lois de la Bible comme aux prescriptions du Talmud, les Juifs d’Espagne se tenaient éloignés de la bigoterie comme des extravagantes mystiques. Par suite de leurs recherches et de leurs spéculations, ils confinaient parfois à l’incrédulité, mais presque aucun des penseurs hispano-juifs n’en franchit la dernière limite. Aussi leur prestige était-il très grand auprès de leurs frères de France, d’Allemagne, d’Italie et des autres pays, alors peu civilisés, de l’Europe. Leurs écoles prenaient la place des académies babyloniennes, et Cordoue, Lucena, Grenade, étaient aussi célèbres que, Sora et Pumbadita.

Après la mort de Hasdaï, les disciples de Menahem et de Dounasch continuèrent les études linguistiques de leurs maîtres, et, comme eux, ils soutinrent entre eux de vives polémiques, en prose et en vers. Les plus remarquables d’entre eux furent Isaac ibn Gikatila, poète, et Yekuda ibn Daud, grammairien. Celui-ci s’appelait en arabe Abou Zakaria Yahya Hayyoudj et descendait d’une famille de Fez. Le premier, il donna une base scientifique à l’étude de l’hébreu, montra que, sous la forme qu’elle a dans la