Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/441

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et de salamandres, et menacé d’être lapidé s’il ne se convertissait pas à l’islamisme. Resté ferme dans ses convictions en dépit de toutes les souffrances, il fut enfin racheté par les Juifs d’une petite ville et conduit à Fez. Là régnait une telle famine que, pour un morceau d’un mauvais pain, il tournait tous les jours une meule.

En apprenant les mauvais traitements infligés par les capitaines de vaisseau aux émigrants, les autres proscrits qui étaient encore en Portugal eurent peur de s’embarquer. Du reste, beaucoup d’entre eux étaient trop pauvres pour payer le prix de transport. Us remettaient donc leur départ de jour en jour, espérant que le roi leur permettrait peut-être de se fixer dans ses États. Vaine illusion. João II exigea la stricte exécution de la convention. Le délai de huit mois expiré, les retardataires furent donnés ou vendus comme esclaves aux membres de la noblesse (1493).

Ce qu’il y eut de particulièrement cruel dans la conduite du roi, c’est qu’il fit arracher aux parents réduits ainsi en esclavage les enfants de trois à dix ans, pour les envoyer dans les contrées nouvellement découvertes, à l’île de Saint-Thomas, aux îles Perdues ou à l’île des Serpents, et les élever dans le christianisme. En vain les mères éplorées supplièrent le roi de ne pas les séparer de leurs enfants. João resta insensible à leurs cris de désespoir. Une mère, à qui on avait pris sept enfants, se jeta aux pieds du roi, à sa sortie de l’église, implorant de lui la faveur de garder au moins le plus jeune. Mais, selon l’expression d’un chroniqueur, le souverain la laissa gémir et se lamenter comme une chienne à laquelle on a enlevé ses petits. Aussi, bien des mères, pour ne pas se séparer de leurs enfants, se jetèrent-elles avec eux dans les flots. Dans l’île de Saint-Thomas, où furent envoyés ces enfants, pullulaient les serpents venimeux et d’autres bêtes malfaisantes ; on y reléguait également les criminels. La plupart des enfants juifs y succombèrent donc bien vite ; beaucoup d’entre eux n’avaient même pas pu supporter les fatigues du voyage et étaient morts en chemin. Peut-être faut-il attribuer ces actes inhumains du roi à la douleur qu’il ressentait d’avoir perdu son unique fils légitime.

Après la mort de João II (fin octobre 1495), Manoël, son cousin,