Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

facilement ses coreligionnaires à des fonctions publiques, et il se montrait orgueilleux envers ses subordonnés ; il eut ainsi souvent l’occasion d’irriter la population berbère de Grenade. À la suite de divers incidents, cette colère se changea en une haine violente. Balkin, l’héritier du trône, qui avait eu des rapports très tendus avec Joseph, mourut subitement, et l’on crut à un empoisonnement. Le roi Badis fit alors mettre à mort quelques serviteurs et quelques femmes du prince (1064), mais le peuple accusa Joseph seul de ce crime. Un autre incident fit perdre à Joseph les faveurs de son maître. Les Berbères et les Arabes se haïssaient réciproquement, et chaque ville qui contenait des représentants des deux races était divisée en deux camps opposés. Un jour, le roi Badis apprit qu’à la suite d’un complot ourdi par le roi de Séville et les Arabes, le gouverneur berbère de Ronda avait été assassiné. Hanté par la crainte de subir le même sort, il conçut le projet diabolique de faire exterminer par son armée tous les Arabes de Grenade, pendant qu’ils seraient réunis le vendredi à la mosquée. Joseph, informé par le roi de sa résolution, lui en montra les fâcheuses conséquences et lui fit comprendre que, même en cas de réussite, il en résulterait pour l’État de graves dangers. Les Arabes des États voisins, lui dit-il, marcheront tous contre ton royaume pour venger la mort de leurs frères. Déjà, je vois des milliers de glaives s’abattre sur ta tête et l’armée ennemie ravager notre pays. Rien n’y fit, Badis persista dans son projet. Décidé à épargner à son maître, même contre sa volonté, un crime et une grave faute politique, Joseph fit avertir secrètement les notables arabes de ne pas se rendre le vendredi suivant à la mosquée. Ceux-ci comprirent à demi-mot. Au jour fixé, tout était prêt pour le massacre, quand les espions de Badis vinrent lui rapporter qu’il ne se trouvait à la mosquée que des Berbères et des Arabes de la basse classe. Irrité de voir échouer son complot, Badis s’en prit à Joseph et lui reprocha d’avoir trahi son secret. Le ministre eut beau protester de son innocence, il ne parvint pas à convaincre le roi. Depuis ce moment, Joseph, tout en restant ministre, n’avait plus la confiance de son souverain.

Rendus perspicaces par la haine, les ennemis de Joseph s’aperçurent bien vite que sa situation était devenue moins solide à la