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Page:Grande Encyclopédie XXX.djvu/730

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SULLY — 708

fille de Robert Dauvet, il eut sept enfants, dont six fils : trois, l’ainé (Louis), le troisième (Jean), le cinquième (Jean) moururent jeunes ; deux, le quatrième (Salomon) et le sixième (Philippe, comte de Salles et de Charost) retournèrent au catholicisme. Maximilien.Ie second, resta protestant ; c’était le favori de son père (François n’eut pas d’enfants de son remariage avec Marguerite de Souviguy ; sa fille Jacqueline épousa Elie de Gontaud), qui le fit instruire par La Durandière, et le présenta à Henri de Navarre lorsque ce prince passa par Vendôme. Henri l’emmena à Paris, ou il suivit les leçons du collège de Bourgogne. Il échappa au massacre de la Saint-Barthélémy grâce à sa présence d’esprit : il se rendit à son collège avec un gros livre d’heures sous le bras. Henri le prit ensuite avec lui et lui fit enseigner les mathématiques et l’histoire par Chrétien. En 1576, Rosny accompagna Navarre en Tourainc et servit dans son armée comme volontaire, puis comme enseigne de Lavardin ; si l’on en croit ses propres récits, il se serait couvert de gloire à La Réole (1577), à Villefranche, Eauze, Mirande, Cahors, Marmande. Dans l’espoir de recouvrer les biens que les Béthune avaient possédé en Flandre, il abandonna son premier maître pour suivre le duc d’Anjou. Sauvé du massacre d’Anvers par le prince d’Orange, il rejoignit en Guyenne Henri de Navarre. Henri le nomma chambellan et conseiller d’Etat de Navarre et l’envoya prévenir Henri III des offres qu’il avait reçues d’Espagne. C’est alors que Rosny épouse Anne de Courtenay, qui lui apporte une solide fortune. Il grossit encore cette fortune en faisant, tout noble qu’il était, des spéculations surles chevaux : il les achetait en Allemagne paur les revendre avec bénéfice en Gascogne. En 1585 nous le retrouvons avec Navarre à Bergerac ; il se signale en Poitou, puis à Arques, à Ivry, à Rouen, à Dreux, à Laon, à La Fère ; il montre non seulement du courage, mais un vrai talent d’ingénieur. Après l’avènement de Henri IV, il devient son confident préféré (V. Hknhi IV). 11 lui conseilla de se convertir au catholicisme, mais refusa toujours d’en faire autant (le roi lui offrit en vain l’épéc de connétable et, pour son fils, une de ses filles naturelles), sans qu’on puisse dire qu’il ait représenté à la cour le parti huguenot. Il ne prit part à aucune assemblée avant 16U5, ou il parut comme gouverneur du Poitou. En 1608, à Gergeau, il soutint même vivement la cour contre ses coreligionnaires. Il entendait très bien ses intérêts personnels, et se fit couvrir d’honneurs : secrétaire d’Etat en 159i, conseiller au conseil des finances en 1596, grand voyer en 1597, surintendant des finances et grand maître de l’artillerie en 1599 ; en 1602, marquis, conseiller d’honneur au Parlement, gouverneur de la Bastille, surintendant des fortifications, voyer de Paris, gouverneur du Poitou en 1603. En 1606, Henri IV érigea la terre de Sully (Loiret) en duché-pairie, et dès lors Rosny porta ce nom. Sully rendit d’ailleurs à Henri IV de très grands services. Il l’accompagna en Savoie et eut sa part personnelle dans la prise de Charbonnières (1600) et de Montmélian (1601). En 1602, il négocia la paix de Savoie, en 1603, il fut envoyé en ambassade auprès de Jacques I er et s’acquitta de cette mission avec succès. Aveuglément dévoué au roi, il ne reculait, pour le servir (par exemple pour empêcher le mariage de Catherine de Navarre avec le comte de Soissons), ni devant le mensonge, ni devant l’abus de confiance. Mais il savait, quand il y allait de la grandeur de son maître, lui résister, braver sa colère et lui parler rudement. Il s’opposa aux prodigalités auxquelles l’entraînaient ses maîtresses, les duchesses de Beaufort et de Verneuil ; il l’empêcha d’épouser Gabrielle, il travailla au mariage de Marie de Médicis. Une réelle intimité s’était établie entre le roi et son ministre, qui logeait à la Bastille ou à l’Arsenal. Il y avait eu entre eux un refroidissement du à des intrigues de cour, mais que suivit une complète réconciliation. C’est en lui rendant visite à l’Arsenal que le roi fut tué.

C’est surtout comme surintendant des finances que Sully mérita la reconnaissance du roi (V. Henri IV). Ce n’était pas un financier, mais un travailleur ; il avait le jugement droit, du courage et même une raideur un peu rogue pour résister aux sollicitations, de la probité, l’esprit d’économie. Il établit une comptabilité sévère, punit les concussionnaires, restreignit les exemptions d’impôts. Il aurait voulu supprimer la gabelle. En 1601, il fit réduire l’intérêt légal du denier douze (8 1/3 %) au denier seize (6 1/4) ; en 1602 et 1609, il promulgua des édits sévères contre les banqueroutiers. Parmi les forces vives de la France, l’agriculture surtout lui paraissait digne d’intérêt, parce qu’elle assure l’alimentation du peuple et fournit au roi de robustes soldats : « Labourage et pastourage, aimait-il à dire, sont les mamelles do la France, et les vraies mines et trésors du Pérou ». Il fit faire des dessèchements de marais, des défrichements ; il était partisan de la libre circulation des grains. Son amour de l’agriculture le rendait même injuste pour les autres sources de production ; animé contre l’industrie des préjugés qui inspirent les lois somptuaires, il résistait aux tendances plus hardies de Henri IV. Il est l’auteur de redit de 1601 sur les mines, mais il s’opposa tant qu’il put à l’établissement des manufactures de soieries. Cependant, pour complaire au roi, il planta des mûriers en Poitou, à Kosny, à Sully, ou il s’était fait construire un château décoré, en l’honneur de Henri, du nom d’Henrichemont. Comme grand-voyer, charge à laquelle il réunit celle de voyer de Paris, il restaura les routes et les planta d’ormes. Cette innovation fut d’abord impopulaire ; les paysans appelaient ces arbres des sulli/s et voulaient en faire des birons, c.-à d. les décapiter. Il acheva le Pont-Neuf et édifia la place Dauphine. II fit réparer les digues, et chercha surtout à doter la France d’un réseau de canalisation ; son plan comportait à la fois le canal des Deux-Mers et la liaison de la Seine et de la Loire. Il ne put réaliser que le canal de Briare. H rétablit les fortifications des villes frontières et, en 1610, il avait entassé à la Bastille, en prévision de la guerre de Juliers, de très grosses forces d’artillerie. Il est d’ailleurs très dilficile, dans l’œuvre du règne de Henri IV, de faire le départ entre ce qui appartient au roi et à son ministre. Comme souvent les ministres réformateurs, Sully, à cause de son caractère dur, n’était guère aimé.

A la mort du roi, il crut d’abord prudent de se retirer à la Bastille. Le lendemain, au Louvre, la reine ne lui ménagea pas les flatteries ; mais, le 26 juil. 1611, elle lui demanda sa démission de surintendant et de gouverneur de la Bastille. Il retira de sescharges 760. 000 livres, plus 240.000 pour trois abbayes, plus une pension de 48.000 livres. Ce n’était pas un désintéressé. Sully n’avait encore que cinquante deux ans. Il se rapprocha du parti huguenot et, soutenu par son gendre Hohan contre Bouillon, prit à Saumur la tète de l’opposition. Présent en 1612 au synode de Privas, il fut représenté à l’assemblée de Grenoble en 1615. Il avait déconseillé aux protestants d’accepter l’alliance de Condé ; après des hésitations, il ouvrit à ce prince les portes de ses places. Il prit une part active aux négociations de Loudun, et se deinit ensuite de son gouvernement du Poitou en faveur de Kohan. Il se rapproche alors de la régente, qui cherchait à se concilier les hommes de Henri IV ; il désavoue, ainsi que son fils, les entreprises de La Rochelle (1621) ; il intervient à Montauban pour amener les habitants à se soumettre à Louis XIH. Cette docilité ne le mit pas à l’abri des rigueurs. Arrêté à Moulins en 1622, il paya sa liberté de la forteresse de Capdenac. Il se retira à Villebon en Beauce et dès lors on le vit très rarement à la cour. Cependant Hichelieu lui lit donner, en échange de la grande-maîtrise de l’artillerie, le batou de maréchal (1634). Il vivait dans sa retraite au milieu d’une étiquette sévère, empreinte d’une gravité un peu théâtrale. Le ministre et l’ami Je Henri IV mourut très oublié en 1641. De son mariage