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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

pour la famille et ses proches, et de rattachement enfanté par l’habitude de vivre sur le sol natal ? — Rien, moins que rien, pour la majeure partie de ceux qui vont se faire casser la tête dans des guerres dont ils ignorent les causes, et dont ils sont les seuls à supporter les frais en tant que travailleurs et combattants. Heureuses ou désastreuses, ces guerres ne doivent, en rien, changer leur situation. Vainqueurs ou vaincus ils seront toujours le bétail corvéable, exploitable et soumis que la bourgeoisie tient à conserver sous sa domination.

Si nous nous en rapportons au sens donné par ceux qui en parlent le plus : « la Patrie, c’est le sol, le territoire appartenant à l’État dont on est le sujet. » Mais les États n’ont que des limites arbitraires. Leur délimitation dépend le plus souvent du sort des batailles ; les groupes politiques, tels qu’ils existent aujourd’hui, n’ont pas toujours été constitués de la même façon ; et demain, s’il plaît à ceux qui nous exploitent de se faire la guerre, le sort d’une autre bataille peut faire passer une portion de pays sous le joug d’une autre nationalité. N’en a-t-il pas toujours été ainsi à travers les âges ? Par suite des guerres qu’elles se sont faites, les nations se sont approprié, puis ont reperdu ou repris les provinces qui séparaient leurs frontières ; il s’ensuit que le patriotisme de ces provinces, ballottées de ci, de là, consistait à se battre tantôt sous un drapeau, tantôt sous un autre, à tuer les alliés