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ET L’ANARCHIE

acceptant les idées reçues par le plus grand nombre, aura d’autant moins de peine à rentrer ses angles — qu’il n’a pas — de façon à ne froisser personne. Plus on voudra contenter de monde, plus la ligne moyenne d’idées que l’on aura adoptée, devra être débarrassée des idées nouvelles et originales, plus par conséquent, elle se trouvera vide, terne et médiocre. Voilà tout le suffrage : une peau d’âne sonore, ne rendant que des sons sous les coups de ceux qui veulent la faire parler.


Mais, si l’on discute l’autorité, si on la raille, si on la fouaille, elle est loin, malheureusement, d’être disparue de nos mœurs. Les individus sont tellement habitués à être menés en laisse qu’ils se figureraient perdus, le jour où il n’y aurait plus personne pour les tenir à l’attache. Ils sont tellement habitués à voir paraître dans tous les actes de leur vie, le tricorne du gendarme, la bedaine sanglée du maire, l’ingérence et la morgue de la bureaucratie, les figures chafouines du policier et du juge, qu’ils en sont arrivés à s’habituer à ces promiscuités malpropres, les considérant comme choses certainement désagréables, auxquelles on passe toujours avec satisfaction, quand l’occasion s’en présente, quelques crocs-en-jambe, mais que l’on ne peut s’imaginer voir disparaître sans que l’humanité en fût disloquée du coup. Étrange contradiction de l’esprit humain ! On subit avec peine cette autorité,