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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

pour être nommé, se sera bien gardé de froisser les préjugés de ses électeurs, de heurter les idées reçues. Au contraire, pour arriver à grouper le plus de monde possible sur son nom, il aura fallu qu’il arrondisse ses angles, qu’il ait fait choix d’un stock de lieux communs pour débiter à ceux dont il convoite les suffrages. Pour ne pas les effrayer, il devra renchérir sur leur bêtise. Plus il aura été plat, médiocre et effacé, plus il aura de chances d’être élu.


Que l’on examine bien le fonctionnement de tous les groupements : comités, chambres syndicales, associations de secours mutuels, d’artistes, de littérateurs, etc., toujours dans leur organisation hiérarchique, nommée au suffrage universel, vous verrez les emplois tenus par des individus qui, à part leur ambition, leur besoin de se montrer, de faire parler d’eux ou de se créer une situation aux dépens de leurs collègues et d’un certain esprit d’intrigue, seront des plus médiocres en tout.

C’est que tout esprit original qui ne s’occupe que de la réalisation de son idéal, ne peut faire autrement que de froisser tous ceux — et ils sont nombreux — qui suivent les lois de la sainte routine ; tout le monde criera : haro sur le baudet ! Celui qui cherche la vérité et veut la faire prévaloir n’a pas le temps de descendre aux mesquines intrigues de coulisses, il sera sûrement battu dans la lice électorale par celui qui, n’ayant aucune idée originale,