Page:Gregh - La Beauté de vivre.djvu/17

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En hâte, assis parmi des voilures souillées, Ils vont manger le pain avec des mains mouillées Et boire à la bouteille enfouie en un coin, Chancelants, ruisselants, sordides… Et de loin, Dans les moutonnements, sous la voile qui penche Et saute sur les flots, souple au vent, toute blanche, Traînant le grand filet qu’argente l’Orient, Ils forment sur la mer un beau groupe riant ! — Et j’ai pensé : Va, sois comme eux. Travaille, souffre, Lutte sans fin, perdu dans la vie, autre gouffre, Plus profond que la mer et plus mystérieux ; Souffleté par l’écume éparse, ayant aux yeux Ces gouttes d’eau salée aussi que sont les larmes, A travers les regrets du port et les alarmes, Relevant, d’un effort lassé, ton front tombant Parfois sur l’aviron trop lourd, rame à ton banc ; Tends la voile rugueuse au souffle de l’abîme, Ramène en tes filets, médiocre ou sublime, La part de pêche que les vagues te feront ; Gagne ton pain amer aux sueurs de ton front,