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144 PETITS POEMES


« Il se heurte le front à toutes les parois ;

Et le pauvre insensé rêve de sa puissance

Sans voir ses fers rivés l’écraser de leur poids I


« Et les peuples ! tantôt idoles qu’on encense,

Tantôt serfs abrutis sous le fouet des tyrans ;

Ou féroces ou vils ! esclavage ou licence !


« Vaisseaux désemparés d’un pôle à l’autre errants,

Ils cherchent au hasard un port dans la nuit sombre,

Jusqu’à l’heure où, jouet d’invisibles courants,


« Chacun d’eux tour à tour heurte un écueil dans l’ombre

Et descend à jamais dans l’abîme profond.

Quoi ! faut-il que la France, elle aussi, touche et sombre ? >


Et cherchant à sonder cette énigme sans fond,

Perdu sous les flots noirs de cette idée amère.

Je marchais, l’œil baissé, comme les rêveurs font.


J’étais comme un enfant qui, contemplant sa mère,

Entend soudain dans l’air le glas des morts courir :

Il comprend tout à coup cette vie éphémère.


Et, sur ces traits si chers que le temps va flétrir

Jetant un long regard d’ineffable tendresse,

Il se dit, plein d’effroi : « Quoi ! doit-elle mourir ? »