Page:Grenier - Œuvres, t. 1, 1895.djvu/164

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VISION I45



Ainsi, l’esprit fixé sur la France en détresse,

Laissant mes pas distraits me conduire au hasard

(Car l’ardente pensée est ainsi qu’une ivresse),


Je suivais tristement mon chemin à l’écart,

Jusqu’à ce que, soudain m’éveillant de mon rêve.

Un spectacle nouveau s’offrit à mon regard.


Mes pieds ne foulaient plus le sable de la grève ;

En relevant les yeux je ne vis plus le ciel ;

De grands pins élancés, qui s’agitaient sans trêve.


Recourbaient sur mon front leur dôme solennel.

Et la brise, effleurant leurs rameaux dans les nues.

Semblait y murmurer un cantique éternel.


Pareil aux longs accords que les orgues émues

Déroulent lentement dans l’ombre du saint lieu,

Quand la foule à genoux presse les dalles nues.


Et je te reconnus, ô vrai temple de Dieu !

Vieille et sainte forêt, sublime solitude.

Où rame dit au monde un si facile adieu !


C’est là que, promenant sa sombre inquiétude,

Le vieux Dante proscrit cherchait l’ombre et le frais.

Loin du bruit des cités et de la multitude ;