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151 VISION


« O bienheureux Esprit, s’il te reste en ce jour

Le souvenir des maux qui t’ont meurtri naguères,

Ou si ton cœur pieux a gardé quelque amour


« Pour les pauvres mortels que tu nommas tes frères,

Et ceux qui sont encore au milieu du chemin

Attardés dans la vie et ses mille misères,


"Ah ! ne dédaigne pas de me tendre la main !

Emporte mon esprit vers tes hauteurs sereines ;

Dévoile-moi d’en haut ce qui sera demain ;


« Et que j’entende au moins tes lèvres souveraines

Par un mot consolant ranimer mes esprits !

Car seul tu peux calmer mes regrets et mes peines.


— Ami, dit la grande Ombre, ami, je t’ai compris.

Je connais ta douleur, je l’estime et je l’aime.

C’est parce que je sais tout ce que tu souffris,


« Et que dans d’autres temps je l’ai souffert moi-même,

due par l’ordre de Dieu je viens te secourir.

Mais n’attends pas de moi le remède suprême.


« Il est de ces douleurs qu’il est sain de souffrir.

Sans elles, l’existence est une lettre close.

Ne demande donc pas à Dieu de te guérir.