Page:Gresset - Ver-vert ou le voyage du perroquet de Nevers, 1735.djvu/17

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Y peut-on consentir ?
Est-il donc vray ? (dit la sœur Seraphine)
quoy, nous vivons, et Ver-Vert va partir ! ...
d'une autre part, la mere sacristine
trois fois pâlit, soûpire quatre fois,
pleure, frémit, se pâme, perd la voix :
tout est en deuil : je ne sçai quel présage,
d'un noir crayon, leur trace ce voyage.
Pendant la nuit, des songes pleins d'horreur,
du jour encor redoublent la terreur.

p.15

Trop vains regrets ! L'instant funeste arrive :
ja, tout est prêt sur la fatale rive ;
il faut enfin se résoudre aux adieux,
et commencer une absence cruelle ;
ja, chaque sœur gémit en tourterelle,
et plaint, d'avance un veuvage ennuyeux.
Que de baisers, au sortir de ces lieux,
reçût Ver-Vert ! Quelles tendres allarmes !
On se l'arrache, on le baigne de larmes :
plus il est prêt de quitter ce séjour,
plus on lui trouve et d'esprit et de charmes ;
enfin, pourtant il a passé le tour :
du monastere, avec lui, fuit l'amour.
Pars, va, mon fils, vôle où l'honneur t'appelle ;
reviens charmant, reviens toûjours fidele ;
que les zéphirs te portent sur les flots :
tandis qu'ici dans un triste repos
je languirai forcément exilée,
sombre, inconnuë, et jamais consolée :