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NOTICE SUR GRISIER.

que Grisier, dans son ouvrage que nous annonçons, s’élève contre le duel avec autant de verve et de raison que s’il n’était pas maître d’armes. Il indique le moyen, sinon de le détruire en entier, du moins d’en diminuer la fréquence. Il s’attaque à lui corps à corps, et prouve que l’on peut, que l’on doit le moraliser[1].

La première fois que je vis Grisier, j’étais bien en peine, non d’une affaire, mais d’un portrait. Je cherchais celui de Saint-Georges, et l'on m’avait dit qu’il devait se trouver chez l’illustre professeur. Je vis en effet cette figure au teint de bistre, ressortant d’une énorme cravate blanche ; le frac est rouge, la main est gantée de cet énorme gant d’armes que revêtent nécessairement tous les tireurs. Ce portrait est à l’aqua-tinta et a été tiré à Londres, quand le chevalier faisait des armes contre d’Ëon devant le prince de Galles.

Grisier en prit texte pour me parler du brillant mulâtre qu’Auber

  1. Dans une circonstance toute récente, Grisier a émis les mêmes principes au sujet du duel ; c’était dans le procès Beauvallon. L'illustre professeur a mis dans sa déposition une clarté et une logique qui lui font honneur. Il a parfaitement fait comprendre au tribunal que dans l’essai du désarmement tenté la veille dans sa propre salle, par M. Rosemond de Beauvallon, qui voulait se borner à cette simple démonstration de sa force envers M. Dujarrier, M. de Beauvallon s'exposait lui-même singulièrement, et que conséquemment il n’apportait dans son duel aucune animosité. Il existe un mot à la fois vrai et pittoresque de Grisier, mot répété depuis bien souvent, mais dont il a tout l’honneur : « Dans une affaire, ce ne sont pas les épées et les pistolets qui tuent, ce sont les témoins ». Il est assez curieux de voir un professeur d’escrime poser le premier le duel sur le terrain de la conciliation ; c’est ce que Grisier a toujours fait ; en dépit de cause, il moralise dans son livre le combat lui-même, son expression est fort juste.