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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/102

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mes mémoires

point, les résistances opiniâtres de la faiblesse ou de l’inconstance juvéniles, et surtout les naufrages irréparables apportent au prêtre de fréquentes angoisses ! Ces angoisses, qui les soupçonne, parmi les pères et les mères de famille ? Qui soupçonne les inquiétudes cruciales de la paternité spirituelle ? Pour parer, dans la mesure du possible, au naufrage, je m’impose alors, et ce, pendant toute ma vie à Valleyfield, des relations épistolaires constantes avec mes petits pénitents au cours des vacances. Corvée assez lourde. Mais que de lettres consolantes et que de joies elle m’aura values ! Puis quel spectacle enivrant, exaltant, que celui de la croissance d’un adolescent, dans la pureté conquise et la virilité surnaturelle ! Quelles consolations peuvent apporter à l’âme d’un prêtre, ces retours de pauvres enfants qu’on croyait à jamais pervertis, perdus irrémédiablement pour l’idéal chrétien ! J’ai connu ces sortes de joies ; le bon Dieu me les a quelquefois ménagées. Je les place encore aujourd’hui parmi les plus douces et les plus chères de ma vie.

Ma méthode, j’y reviens, était toute simple, si j’ose parler de méthode. Elle consistait à élaborer, petit à petit, dans l’esprit de ces enfants, une doctrine de la vie chrétienne ou surnaturelle dont j’avais emprunté les éléments au Père de Smedt et à un petit volume de l’auteur de La Perfection chrétienne par la pratique progressive de la confession et de la direction (je ne suis pas sûr de ce titre général pas plus que du titre du petit volume : Fondements de la perfection chrétienne). Le difficile est d’adapter cette doctrine aux différents âges. Le plus simple, je crois, est de solliciter, en pareil cas, l’aide de Dieu, et de ne pas compter sur autre chose. Mon expérience, en tout cas, m’a démontré qu’il est possible d’intéresser et même de passionner des jeunes pour cette magnifique construction intellectuelle que sont le dogme et la morale catholiques. Aussi facile que de les intéresser à une question de littérature ou à un problème scientifique. Restait la part de l’ascétisme. J’insistais beaucoup, et l’on ne s’en étonnera point, sur les vertus naturelles de l’homme. Je ne cessais, en effet,