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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/103

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premier volume 1878-1915

de leur répéter, que le surnaturel ne se bâtit bien que sur un naturel sain, de fort équilibre. Je leur disais que la moindre faille dans le bloc de la personnalité peut en entraîner la dissolution. Sur ce point de l’ascétisme, ma doctrine restait donc toute simple. J’enseignais à mes jeunes gens la religion du devoir d’état. La perfection chrétienne, je leur enseignais à la chercher dans les menus devoirs de leur existence de collégien, et pas ailleurs. Le malheur est que trop de ces jeunes gens ignorent la grandeur possible de leur vie. Ils rêvent. Ils rêvent de grandes actions pour l’avenir. Les grandes actions, ils ne se doutent pas qu’elles sont à leur portée et qu’ils les peuvent accomplir dès leur jeunesse, dès leur temps de collège. Je me plais donc à leur rappeler que ce qui compte, en définitive, ce n’est pas la dimension matérielle de l’acte que l’on pose, mais l’intensité de foi et d’amour que l’on y met. Je leur dis et répète encore qu’un petit collégien qui accomplirait à la lettre son règlement de vie quotidienne, avec des vues surnaturelles, serait un saint authentique ; qu’après tout, l’on n’est pas chrétien qu’à la chapelle, mais que les actes proprement culturels sont faits pour vivifier, revigorer les actes du devoir d’état, pendant qu’en retour ceux-ci réagissent avantageusement sur ceux-là, et les uns les autres donnent à la vie une solide, une magnifique unité. Mon ascèse revient donc à leur faire pratiquer leur devoir d’état dans le cadre du règlement collégial, mais en toutes ses parties, avec ses exigences de discipline, d’étude, d’actes religieux, exigences, minuties qui peuvent paraître contraignantes, ennuyeuses, mais qui, pour être observées, requièrent un acte de volonté, une vie consciente, une victoire sur ses instincts, son laisser-aller, ses caprices. Le règlement n’avait pas été inventé pour les persécuter, les embêter, mais pour former des hommes et des chrétiens. Je les exhortais donc à s’y plier avec courage, avec foi. Ce n’était pas tout de cultiver son esprit, de devenir bachelier. Il fallait encore davantage, forger sa volonté, conquérir sa liberté, puis surtout, par ces moyens, façonner en soi, en sa pleine stature, le chrétien. Je leur montrais donc l’aide puissante que pouvait leur fournir, à ce point de vue, le règlement avec ses minuties apparemment ennuyeuses, mais qui, toutes, exigeaient, pour être observées, un effort, un sacrifice, en définitive, un acte de volonté. Je les invitais alors à se lever le matin avec le premier son du timbre ou de la cloche, à ne pas fleureter le