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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/401

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deuxième volume 1915-1920

replacement de buste, une détente discrète après la forte tension. Que le Verbe de Dieu est beau ainsi proclamé ! Je connais déjà le Père Janvier pour avoir acheté, chaque année, son Carême et pour avoir analysé, au crayon, page à page, sa puissante et courageuse exposition de la morale chrétienne. On devine si je suis heureux de l’entendre. Il est assez rare qu’après avoir lu un auteur, on ne soit pas déçu à l’entendre ou à le rencontrer. Le Père Janvier ne m’a laissé aucune déception. Et pourtant je l’ai entendu à la fin de sa carrière. Ce n’était plus l’orateur en pleine force. Sur les cinq conférences de cette année-là, il en est bien deux au moins qu’il a relativement manquées, je veux dire qu’il n’a pas débitées avec son brio coutumier. Ces jours-là, on s’apercevait de sa fatigue ou de son manque de forme dès les premiers mots. Il trébuchait. Car il faut se rappeler qu’il accomplissait le prodige de débiter ses conférences de mémoire. Rien d’improvisé. À la sortie de Notre-Dame, on vendait le discours en fascicule. On n’avait qu’à comparer et à constater l’heureuse mémoire de l’orateur. Comment parvenait-il à donner à sa parole un si véridique accent de spontanéité ? Chez lui l’homme de conviction, l’apôtre, se livrait entier. À la sortie de l’une des conférences, j’aperçois tout à coup, à deux pas de moi, qui se laissent porter par la foule, Léon Daudet et son fils Philippe, l’enfant qui devait disparaître un jour de façon si dramatique. Et j’entends Daudet qui dit à son fils : « Il se fatigue le Père ; il ne sait pas se ménager. » Le Père Janvier ne savait pas se ménager. Mot qui rejoint ce mot héroïque de l’abbé Henri Perreyve, descendant de chaire, lui aussi, tout en nage et qui, au reproche de s’épuiser, répond simplement : « À quoi bon le prêtre qui ne s’épuise point ? »

Au Jardin du Luxembourg

Quelles autres de mes distractions de Paris rappeler ici ? Peut-être mes promenades au Jardin du Luxembourg. J’ai gardé depuis longtemps l’habitude d’interrompre, par un bref délassement, mes séances de travail de l’avant et de l’après-midi. Je prends mon chapeau et je sors prendre l’air quelque dix minutes. Je rentre les nerfs replacés, dispos, prêt à reprendre ma tâche jusqu’au prochain repas. À Paris je garde cette bonne habitude. Logé à Jean-Bart, où aller me délasser si ce n’est au Jardin du Luxem-