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histoire de la philosophie orientale

spontané et de vivant. La théosophie contemporaine apparaît comme un modernisme assez factice, un jeu de dilettante ou d’archéologue qui n’a que peu de points communs avec l’Hindouisme dont il se réclame ; surtout comme un modernisme qui va directement à l’encontre de l’orientation générale des doctrines hindoues. Ceux qui désirent approfondir ces questions n’ont d’ailleurs qu’à se reporter à la récente et décisive étude de M. René Guénon[1].

Signalons enfin la difficulté que présente dans un ouvrage de cette nature l’emploi de termes philosophiques européens pour rendre leurs équivalents sanscrits. Le lecteur doit être prévenu une fois pour toutes que les équivalences acceptées —, acceptées faute de mieux —, sont la plupart du temps tout à fait approximatives. C’est ainsi que nous sommes bien obligés de rendre le mot Darçâna par « système ». En réalité, qui dit système, dans la langue philosophique occidentale », dit construction complète en elle-même, exclusive d’autres constructions. Rien de tel dans les darçânas qui sont plutôt des « points de vue », des aspects différents des choses, ou même des sciences différentes qui peuvent parfaitement se concilier et se compléter[2]. Même difficulté dans l’emploi de termes empruntés au mysticisme chrétien pour désigner les états du Yoga, et dans l’emploi même du mot « mystique » lorsqu’il s’agit de la pensée indienne. Ici le danger est particulièrement grave,

  1. R. Guénon, Le Théosophisme, Nouvelle Librairie Nationale, Paris, 1922.
  2. R. Guénon, Introduction à l’étude des doctrines hindoues, p. 215.