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Le temps alla en s’adoucissant. La saison des sucres commençait. Elle s’annonçait favorable : de la gelée, la nuit ; du beau soleil, le jour. Mais nul ne pouvait en prévoir la durée, à la merci des giboulées, de l’hiver des corneilles, ou d’un printemps trop court. Déjà les brise-glace étaient à l’œuvre. Par les temps clairs, on voyait la fumée du « Lady Grey ». L’eau monta. Un premier couple de canards noirs se posa sur une mare, dans le champ. Puis d’autres arrivèrent. Et encore d’autres. Didace les regarda passer. D’ordinaire, au printemps, il chassait en maraude tandis qu’Amable faisait les sucres. C’était le fils qui entaillait les planes, en recueillait l’eau et la faisait bouillir, à un bout de la grange, en gagnant le marais. Les Beauchemin n’en faisaient point le commerce : ils ne récoltaient que leur provision de sirop et de sucre d’érable.

Le premier soir, après le départ d’Amable, Didace revint du bois, fourbu et ayant pris du froid. L’eau était si haute qu’il avait dû voyager en canot d’un arbre à l’autre. Après un regard au clou dégarni,