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Page:Guaita - Rosa mystica, 1885.djvu/32

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rosa mystica

Ce qui frappe l'observateur dès un premier examen, chez M. Leconte de Lisle, c'est la « Force ». Son œuvre entière, comme aussi sa personne, en porte la caractéristique empreinte. Soit qu'à larges coups de pinceau prodiguant les plus ardentes couleurs, il fasse surgir à nos yeux les magnificences d’une exotique nature, engourdie sous l'écrasement de la lumière tropicale ; — soit qu'il évoque, en sa virile mélancolie, la beauté mystique des cultes, qui s’éteignent aux horizons noirs du nihilisme contemporain ; — soit encore que, vibrante de colère, sa voix éclate sur les égorgeurs du moyen âge, comme un coup de foudre ; — toujours la force se manifeste et domine en ses vers : hurlante, déchaînée, enragée — ou sereine et harmonieuse.

La touche est ferme ; le rhythme puissant et large — un peu raide et âpre aussi. À ce propos, au risque de sembler pédant, j'avoue qu'un vers d’Horace susure dans les profondeurs de ma mémoire :

Non satis est pulchra esse poëmata : dulcia sunto....

Leconte de Lisle a peine à exprimer les sentiments doucement tendres et naïfs ; ses tentatives en ce genre sont loin d’être toujours heureuses. Sans doute « Christine » fourmille de vers charmants ; mais sous