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Page:Guaita - Rosa mystica, 1885.djvu/40

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rosa mystica

tâche, ou que le grand poète du XVIIIe siècle, le malheureux André Chénier eût échoué fatalement, dans cette tentative de poëme universel dont il lui fut loisible à peine d’ordonner le plan : projet surhumain s'il en fut, où il avait mis toute l'ardeur de son génie et toute l'espérance de sa gloire !

De nos jours, bien des hommes ont eu cette ambition, d’unir, en un baiser qui soit immortel, les deux laines ennemies, la Poésie et la Science : celle-ci fille de la Raison et du Sens positif, préoccupée de la Norme et soucieuse du Fait ; — et cette autre, fille de l'Imagination et de l'Amour, qui, follement éprise du Rêve aux cent prestiges, rebelle en apparence à toute Loi, paraît aussi peu curieuse d’une exactitude — outrage à son caprice, que d’une logique — entrave à son essor.

Un langage élégant et pur, et un noble fanatisme n'ont sauvé M. cAndré Lefèvre ni de la sécheresse ni de la roideur. Si sa traduction de Lucrèce est la meilleure (peut-être) qu’on ait tentée, son « Épopée terrestre » est illisible, encore qu’un vrai talent y ait mis en œuvre d’ingénieux artifices. En vain y admirera-t-on de belles pages, soulevées d’un souffle large ; à vrai dire, toute cette œuvre est stérile et morte. On ne peut voir là qu’un immense et généreux effort qui n’a point abouti.