Aller au contenu

Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
promenades japonaises.

l’accomplissement du terrible projet. Ces hommes devaient quitter leur pays, leur famille, leur état, se déguiser, se disperser d’abord pour détourner les soupçons, puis, se retrouver à un moment donné, prêts à la vengeance.

Les uns étaient vieux, les autres trop jeunes. L’un d’eux ne voulait pas quitter son père dont il était le soutien ; le père se tua pour lever tout scrupule.

Ils étaient signalés, poursuivis, traqués, vivaient comme ils pouvaient, cherchant surtout à avoir des armes.

Enfin, arriva le jour choisi pour l’assassinat de Kira. C’était en plein hiver et il avait beaucoup neigé.

Une chose à remarquer, c’est que les Japonais qui enregistrent avec grand soin les faits historiques n’oublient jamais de prendre note de l’aspect du décor où se passe l’action. Amoureux comme ils le sont des beautés de la nature, ils ne peuvent séparer le fait du paysage ; de même qu’ils se souviennent des costumes que portaient les héros de leurs chroniques ainsi que de la décoration des appartements où les événements ont eu lieu. Ce peuple artiste a mis son histoire en tableaux.

Il y a certaines vues de pruniers en fleurs, de brouillards sur les montagnes, de feuillages roussis par l’automne qui sont fatalement destinés à encadrer des faits historiques devenus populaires autant par la beauté de la mise en scène que par l’intérêt des situations.

C’est ainsi qu’un paysage couvert de neige indique presque toujours qu’il s’agit d’une scène de l’histoire des quarante-sept fidèles.

Donc il neigeait. Les quarante-sept hommes d’armes s’étaient déguisés en pompiers et semblaient courir à un incendie, ils se précipitaient sur le pont cintré de Rioogokou pour se rendre à l’est d’Yeddo. Ils venaient d’en gravir la moitié et redescendaient l’autre moitié, lorsqu’ils furent arrêtés par un officier du gouvernement à cheval.